La question de la cryogénisation, ou cryonie, est revenue sous les projecteurs, un juge britannique de la Haute Cour de Londres ayant accordé le droit à une jeune fille mourante de faire conserver son corps. Une première en Grande-Bretagne1.

Prise le 6 octobre dernier par le juge Peter Jackson, cette décision n'a été rendue publique qu'après le décès de l'adolescente, conformément aux souhaits de la défunte, qui avait également demandé le respect de son anonymat.

L'aval du juge

Dans une requête déchirante adressée à la cour, la jeune fille de 14 ans avait réclamé le droit d'être cryogénisée avec l'espoir qu'à l'avenir, la médecine du futur puisse la ranimer et la guérir, " même si c'est dans plusieurs centaines d'années. "

Cette chance (?) lui a donc été accordée par le juge Jackson qui a surtout dû trancher un différend familial, les parents divorcés de l'adolescente n'étant pas du même avis sur la question. L'opposition venait du père qui avait exprimé des craintes quant au coût et aux conséquences potentielles du projet.

Reconnaissant avoir été " ému " par " la vaillance " de la jeune fille, le juge a donc finalement statué en faveur de celle-ci. Il a donné droit à sa mère de prendre les dispositions relatives à sa dépouille et il a autorisé le transfert de son corps dans un établissement spécialisé en cryogénisation basé dans le Michigan, ce qui a été fait une semaine après le décès survenu le 17 octobre dernier.

Considéré comme un héros par l'adolescente à qui le verdict avait été communiqué, Peter Jackson a précisé qu'il ne s'était pas prononcé sur la cryogénisation. " C'est un exemple des nouvelles questions que la science pose à la loi ", a-t-il dit, tout en suggérant que les ministres envisagent une " réglementation appropriée ".

Trois instituts

En attendant, même si le procédé est considéré comme illégal et donc interdit dans de nombreux pays, il a déjà été appliqué depuis une cinquantaine d'années à quelque 350 personnes dans le monde.

Encouragées, surtout depuis les années 1990-2000, par les progrès réalisés par la science et la médecine, entre autres l'amélioration rapide de techniques de congélation et décongélation des ovocytes, ainsi que par le développement de polices d'assurance-vie spécifiquement dédiées à la cryonie, ces personnes se sont tournées vers un des trois instituts qui offrent actuellement des services de cryogénisation.

Deux d'entre eux se trouvent aux Etats-Unis : le plus ancien, l'Alcor Life Extension Foundation, est installé en Arizona depuis 1972 et l'autre, le Cryonics Institute, situé près de Detroit dans le Michigan, a été créé quatre ans plus tard par celui qu'on a surnommé le " père de la cryogénisation ", le professeur de physique américain Robert Ettinger. Ce dernier a lui-même été congelé après sa mort en 2011, à l'âge de 92 ans, ainsi que sa mère et ses deux épouses.

Quant au troisième institut, il est russe et il existe depuis 2003. Il s'agit de KrioRus, qui conserve déjà plus 50 personnes tandis que les deux sociétés américaines en compte environ 150 chacune, sachant que 2000 autres individus à travers le monde ont signé un contrat de cryogénisation, qui prendra effet une fois leur heure venue.

Futur imprévisible

Reste qu'il est légitime de se demander si toute cette affaire est bien sérieuse. Peut-on réellement croire à un scénario qui évoque davantage la science-fiction que la science ?

Certes, les techniques de conservation des corps se sont nettement améliorées. Certes, la cryoconservation, dont s'inspire la cryogénisation, a déjà fait ses preuves. Des cellules sanguines, spermatiques et embryonnaires ou des tissus entiers (ovaires) sont conservés à très basse température et ramenés à la vie. Mais essayer de dégeler un corps humain, c'est quand même autre chose. Les obstacles sont nombreux.

Il n'est donc pas sûr du tout qu'on puisse ressusciter, dans un futur proche, les candidats, de plus en plus nombreux, à la cryogénisation. Sans compter qu'il faut aussi pouvoir guérir la maladie qui a causé la mort, ou trouver le secret de l'immortalité en cas de cryogénisation d'une personne âgée.

Même si elles archivent pour chaque patient un dossier médical complet, indiquant notamment la cause du décès, les entreprises du secteur se gardent d'ailleurs bien de garantir le succès de la démarche. Le contrat avec Alcor, par exemple, stipule qu'il est " impossible de savoir si les patients seront un jour ramenés à la vie ". Et pour cause...

La mort suspendue : mode d'emploi

Très complexe et non autorisée sur une personne vivante, la cryogénisation est un procédé de conservation dans l'azote liquide, à des températures extrêmement basses, de tout ou partie d'un être humain (ou d'un animal) en état de mort clinique, dans l'attente (ou l'espoir) que la technologie future sera un jour en mesure de réanimer le corps ainsi congelé et de lui redonner vie.

Il y a plusieurs étapes à remplir. Le corps est d'abord refroidi juste au-dessus de zéro degré entre deux et quinze minutes après le décès de la personne. Arrivé à destination, il est installé sur un lit de glace. Les chirurgiens ouvrent la cage thoracique, posent des canules dans l'aorte et remplacent les fluides corporels, sang et eau, par une sorte d'antigel qui empêche que des cristaux de glace ne se forment entre les cellules, ce qui endommagerait les tissus.

Après cette vitrification, le corps est ensuite progressivement refroidi, sous contrôle informatique, pendant 36 heures dans un bain de glace et de silicone, jusqu'à atteindre la température de -79 °C. Puis il baigne dans de l'azote liquide sur une période de 7 à 10 jours, pour atteindre la température de... -196 °C.

À ce stade, il n'y a plus qu'à déplacer le plus délicatement possible le corps, qui a pris la consistance du verre, et à le plonger la tête en bas dans un conteneur en acier (cryostat), remplis d'azote à -196 °C, dans lequel sont présents d'autres " colocataires " en attente de réanimation...

Combien cela coûte-t-il ?

Outre le problème majeur de ne pas savoir s'il sera possible dans le futur de " faire revivre les morts ", se pose aussi la question du coût.

Pour une congélation du corps sur une durée infinie, il faut débourser au moins 45.000 euros chez Cryonics, cette somme n'incluant pas le prix du transport de la dépouille, tandis qu'Alcor irait jusqu'à demander 180.000 euros. Quant à KrioRus, elle propose un tarif évolutif mais plus abordable puisque le montant de départ est de 26.000 euros.

Si Cryonics ne permet que de cryogéniser des corps complets, par contre Alcor offre la possibilité de congeler uniquement la tête, ce que l'on appelle communément une " neuro suspension ". Cette dernière, moins chère, mais tout de même 72.000 euros, implique qu'une personne pourrait être réanimée dans un corps différent par le biais du clonage ou des nanotechnologies, à condition que le centre de la personnalité et des souvenirs se situe bel et bien dans le cerveau.

À noter aussi la possibilité de cryogéniser un animal de compagnie de manière à pouvoir le retrouver dans le futur.

Enfin signalons l'existence de Cryonics Belgium, une association fondée dans le but d'informer et assister gratuitement les personnes intéressées par le sujet et/ou qui souhaitent des éclaircissements sur le contenu d'un accord de suspension et les règlements qui l'accompagnent.

Source:

Daily Mail, 18 novembre 2016

La question de la cryogénisation, ou cryonie, est revenue sous les projecteurs, un juge britannique de la Haute Cour de Londres ayant accordé le droit à une jeune fille mourante de faire conserver son corps. Une première en Grande-Bretagne1.Prise le 6 octobre dernier par le juge Peter Jackson, cette décision n'a été rendue publique qu'après le décès de l'adolescente, conformément aux souhaits de la défunte, qui avait également demandé le respect de son anonymat. Dans une requête déchirante adressée à la cour, la jeune fille de 14 ans avait réclamé le droit d'être cryogénisée avec l'espoir qu'à l'avenir, la médecine du futur puisse la ranimer et la guérir, " même si c'est dans plusieurs centaines d'années. " Cette chance (?) lui a donc été accordée par le juge Jackson qui a surtout dû trancher un différend familial, les parents divorcés de l'adolescente n'étant pas du même avis sur la question. L'opposition venait du père qui avait exprimé des craintes quant au coût et aux conséquences potentielles du projet.Reconnaissant avoir été " ému " par " la vaillance " de la jeune fille, le juge a donc finalement statué en faveur de celle-ci. Il a donné droit à sa mère de prendre les dispositions relatives à sa dépouille et il a autorisé le transfert de son corps dans un établissement spécialisé en cryogénisation basé dans le Michigan, ce qui a été fait une semaine après le décès survenu le 17 octobre dernier.Considéré comme un héros par l'adolescente à qui le verdict avait été communiqué, Peter Jackson a précisé qu'il ne s'était pas prononcé sur la cryogénisation. " C'est un exemple des nouvelles questions que la science pose à la loi ", a-t-il dit, tout en suggérant que les ministres envisagent une " réglementation appropriée ".En attendant, même si le procédé est considéré comme illégal et donc interdit dans de nombreux pays, il a déjà été appliqué depuis une cinquantaine d'années à quelque 350 personnes dans le monde. Encouragées, surtout depuis les années 1990-2000, par les progrès réalisés par la science et la médecine, entre autres l'amélioration rapide de techniques de congélation et décongélation des ovocytes, ainsi que par le développement de polices d'assurance-vie spécifiquement dédiées à la cryonie, ces personnes se sont tournées vers un des trois instituts qui offrent actuellement des services de cryogénisation.Deux d'entre eux se trouvent aux Etats-Unis : le plus ancien, l'Alcor Life Extension Foundation, est installé en Arizona depuis 1972 et l'autre, le Cryonics Institute, situé près de Detroit dans le Michigan, a été créé quatre ans plus tard par celui qu'on a surnommé le " père de la cryogénisation ", le professeur de physique américain Robert Ettinger. Ce dernier a lui-même été congelé après sa mort en 2011, à l'âge de 92 ans, ainsi que sa mère et ses deux épouses.Quant au troisième institut, il est russe et il existe depuis 2003. Il s'agit de KrioRus, qui conserve déjà plus 50 personnes tandis que les deux sociétés américaines en compte environ 150 chacune, sachant que 2000 autres individus à travers le monde ont signé un contrat de cryogénisation, qui prendra effet une fois leur heure venue.Reste qu'il est légitime de se demander si toute cette affaire est bien sérieuse. Peut-on réellement croire à un scénario qui évoque davantage la science-fiction que la science ?Certes, les techniques de conservation des corps se sont nettement améliorées. Certes, la cryoconservation, dont s'inspire la cryogénisation, a déjà fait ses preuves. Des cellules sanguines, spermatiques et embryonnaires ou des tissus entiers (ovaires) sont conservés à très basse température et ramenés à la vie. Mais essayer de dégeler un corps humain, c'est quand même autre chose. Les obstacles sont nombreux.Il n'est donc pas sûr du tout qu'on puisse ressusciter, dans un futur proche, les candidats, de plus en plus nombreux, à la cryogénisation. Sans compter qu'il faut aussi pouvoir guérir la maladie qui a causé la mort, ou trouver le secret de l'immortalité en cas de cryogénisation d'une personne âgée.Même si elles archivent pour chaque patient un dossier médical complet, indiquant notamment la cause du décès, les entreprises du secteur se gardent d'ailleurs bien de garantir le succès de la démarche. Le contrat avec Alcor, par exemple, stipule qu'il est " impossible de savoir si les patients seront un jour ramenés à la vie ". Et pour cause...Source: Daily Mail, 18 novembre 2016