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"Dans le domaine du diagnostic des infections des voies urinaires, nous venons d'une époque où nous devions chercher des signes d'infection avant de pouvoir ou devoir traiter. En cas d'absence d'infection urinaire (bandelette ou culture négatives), il fallait alors chercher d'autres causes possibles. Tout cela a progressivement évolué : la culture d'urine en cas de symptômes typiques ne donne pas beaucoup d'informations car en première ligne le germe est généralement connu (E. coli dans 75 à 85 % des cas, ou Staphylococcus saprophyticus dans 10 à 15 % des cas) et les résistances sont également connues grâce aux études épidémiologiques. Traiter toutes les femmes présentant des symptômes peut mener à un sur-traitement. Et les soumettre toutes à une culture d'urine n'est pas rentable. "Cependant, la recherche britannique montre que les femmes à qui l'on a dit que, malgré les symptômes typiques, elles ne souffrent probablement pas d'infection des voies urinaires sont extrêmement frustrées et dubitatives. Après ce premier effet de surprise, les questions qui se posent alors sont : quel est alors le diagnostic ? Comment traiter ? Et que faire pour les éviter ? Le médecin est aussi perdu face à des symptômes typiques et des examens complémentaires négatifs.Une étude récemment publiée, et à laquelle le Dr Heytens a participé (voir JDM 2497), montre que la présence d'E. coli pourrait être détectée dans la PCR quantitative de toutes les femmes présentant des symptômes typiques d'une infection des voies urinaires. La culture négative pourrait s'expliquer entre autres par le fait que certaines souches d'E. coli se cachent dans les cellules de l'uro-épithélium et ne peuvent dès lors pas être détectées par des méthodes conventionnelles. Plus de recherches sont nécessaires pour en connaître les implications thérapeutiques. "Nos résultats constituent en fait une base scientifique à ce qui est déjà pressenti en clinique. Dans les dernières directives*, le diagnostic de cystite repose essentiellement sur la clinique - les symptômes typiques sont la dysurie et la pollakiurie - et dans les cas d'infections urinaires non compliquées, il est inutile, voire superflu, de procéder à davantage de recherches. Par contre, vous devez penser au diagnostic différentiel, à savoir l'infection à chlamydia."Ce raisonnement vaut pour les femmes atteintes d'une infection urinaire non compliquée, à savoir les femmes qui ne sont pas enceintes, sans comorbidités et, classiquement, de plus de 55 ans. Les nouvelles recommandations s'appliquent aussi aux femmes ménopausées et aux femmes âgées vivant à la maison. Chez les femmes diabétiques, les mêmes principes que chez les femmes non diabétiques sont applicables. Elles risquent généralement plus de développer une cystite ou une pyélonéphrite. La seule différence notable réside dans le traitement, puisqu'elles doivent être traitées plus longtemps.Les femmes présentant des comorbidités, ou qui prennent des médicaments immunosuppresseurs..., les hommes et les enfants courent de toute manière un risque de complications et doivent être pris en charge en fonction.Chez les résidents des maisons de repos qui mangent moins bien ou qui souffrent de troubles cognitifs - comme nous le savons - on ne pensait pas suffisamment à l'infection urinaire, ce qui fut une erreur. Aussi, une culture d'urine est désormais demandée, qui sera positive dans la moitié des cas. Depuis, nous avons appris que ce test n'est pas suffisamment discriminatoire pour distinguer une infection réelle de la simple présence d'un germe qui était déjà là avant, vu les dépistages ont montré que jusqu'à 50 % des résidentes des maisons de repos présentent une bactériurie asymptomatique. " C'est ainsi qu'une culture d'urine positive peut mettre le médecin sur la mauvaise voie. Dès qu'une une infection des voies urinaires est détectée, on ne recherche plus d'autres causes possibles et le médecin traitera l'infection urinaire suspectée, alors qu'il peut aussi bien s'agir d'une infection respiratoire cachée ou d'une interaction médicamenteuse néfaste. D'autre part, à la différence des cystites non compliquées, une infection des voies urinaires chez des résidents de maisons de repos ne peut pas être manquée. Dans ces populations fragiles, l'infection peut en effet avoir des conséquences graves. "Le traitement de premier choix contre une cystite non compliquée chez la femme est encore la nitrofurantoïne, mais aussi la fosfomycine et le triméthoprime (préparation magistrale à prescrire, qui provoque moins d'effets secondaires qu'en combinaison avec le cotrimoxazole) comme alternative. La fosfomycine n'est pas prescrite chez les femmes diabétiques car il existe trop peu d'études d'impact. En ce qui concerne la nitrofurantoïne, il faut faire attention en cas d'insuffisance rénale (clairance de la créatinine <60 ml/min), car la substance active n'arriverait pas en quantités suffisantes dans l'urine et les concentrations sériques pourraient atteindre un niveau toxique. Dans une revue de la littérature de 2012, la clairance de la créatinine de 60 ml/min a été quelque peu nuancée. Les auteurs avancent que sans données d'études supplémentaires, la nitrofurantoïne, dans le cadre d'un traitement à court terme, peut être utilisée jusqu'à une clairance de la créatinine de 40 ml/min. Dans les maisons de repos, l'utilisation de la nitrofurantoïne en trop grandes quantités ou de manière chronique peut poser problème : les effets secondaires peuvent alors être importants.Les infections récurrentes des voies urinaires sont discutées séparément dans les nouvelles recommandations en raison de leur approche spécifique. "Les patients qui présentent plus de trois infections urinaires par an, soit plus de 2 tous les 6 mois, peuvent choisir de prendre la nitrofurantoïne ou le triméthoprime en continu. Mais en traitant séparément les épisodes, ils reçoivent au final moins d'antibiotiques. Objectivement, il est beaucoup plus efficace de traiter les infections urinaires à chaque fois qu'elles se produisent ; le problème subjectif, pour le patient, est la répétition des symptômes... "Le traitement à court terme d'une infection urinaire non compliquée peut poser un problème aux médecins. " Alors que nous pensions auparavant que les plaintes allaient très rapidement disparaître après le traitement, nos recherches montrent que 50 % des femmes présentent toujours des symptômes au bout de quatre jours. Cela pourrait pousser les médecins à passer trop rapidement à un antibiotique à large spectre. Même les symptômes persistent, vous êtes dans la bonne direction ; en l'absence de symptômes d'alarme, vous pouvez attendre. Ce message est important. "* Heytens S et al. Richtlijn cystitis bij de vrouw. Herziening 2016. WOREL Richtlijn CYSTITIS def- versie na eindredactie - versie december 2016. pdf