Cette pathologie est loin d'être sans conséquences, représentant encore la première cause d'hystérectomie. Les évolutions thérapeutiques n'ont cependant pas manqué ces dernières années, donnant l'occasion de faire le point sur cette maladie commune.
L'importance des caractéristiques démographiques
Si le nombre de cas de fibromes augmente en Belgique (et dans beaucoup d'autres pays), c'est en lien avec certains facteurs de risque d'ordre plutôt démographique. Il s'agit principalement du vieillissement de la population, sans oublier que la prévalence est plus élevée chez les femmes noires ou asiatiques.
"L'alimentation est également suspectée de faire partie des facteurs de risque", précise le gynécologue, "mais la prévalence du fibrome est tellement élevée - et les modes alimentaires tellement variés - qu'il n'est pas simple, via l'épidémiologie, de déterminer si tel ou tel aliment est plus particulièrement en cause. Les observations nous indiquent aussi une association entre fibrome et hypertension artérielle, mais sans que les mécanismes en jeu ne soient clairement compris."
Environ la moitié des femmes ne ressentent aucun symptôme lié à leur fibrome. Les autres souffrent principalement de douleurs, d'hyperménorrhée, de troubles urinaires, de constipation ou d'infertilité (tableau). L'impact sur la qualité de vie est très important, comme l'a montré une enquête réalisée il y a quelques années aux Pays-Bas chez plus de 40.000 femmes âgées entre 15 et 45 ans [1]. La prévalence de la dysménorrhée s'élevait à 85%, suivie par celles des troubles psychologiques (77%) et de la fatigue (71%). 38% des femmes ont déclaré ne pas être en mesure, pendant leurs règles, d'accomplir toutes leurs activités quotidiennes habituelles. Et elles étaient peu enclines à expliquer ces incapacités: à peine la moitié d'entre elles informaient leur famille que les symptômes menstruels en étaient la raison.
Le bénéfice apporté par les antagonistes de la GnRh s'observe aussi dans le contexte de la phase préopératoire d'une myomectomie programmée, car ils diminuent la taille des fibromes.
Une gamme large de traitements
Rien n'oblige à instaurer un traitement chez une femme asymptomatique, et on peut s'en tenir à la surveillance de la maladie. Pour les autres, les possibilités thérapeutiques sont heureusement nombreuses, tant sur le plan pharmacologique que chirurgical. La stratégie peut être adaptée "en fonction de chaque patiente, de ses besoins, de son âge et de ses symptômes", ajoute le spécialiste. Les options non hormonales incluent classiquement l'acide tranexamique pour limiter les saignements (bien que son efficacité reste discutée), les AINS et les inhibiteurs de l'aromatase, ainsi que l'apport de fer lorsque les saignements chroniques induisent une anémie ferriprive.
Quoiqu'il en soit, dans le contexte d'un fibrome, les règles très abondantes signent pour la présence de la tumeur au contact ou à l'intérieur de la lumière utérine. "Dans ce cas, on peut initier une association contraceptive en continu. Les progestatifs seuls peuvent également être utilisés - que ce soit sous forme de pilule ou de stérilet - pour diminuer les saignements, mais en gardant à l'esprit qu'ils ne sont pas en mesure de faire diminuer le volume du fibrome: il restera stable, ou pourra même augmenter."
Problème: beaucoup de femmes sont globalement réticentes à la prise d'hormones, "alors qu'il s'agit du traitement de première ligne du fibrome." Cependant, elles peuvent opter pour l'alternative que représente l'antagonisme de la GnRh. Ce mécanisme dose-dépendant va très rapidement supprimer la synthèse de FSH et de LH, faisant chuter drastiquement la production ovarienne d'oestradiol et induisant donc un statut de ménopause artificielle. "Un résultat significatif est observé dès trois à quatre semaines de traitement chez 70 à 80% des patientes, avec une diminution importante des saignements."
Les antagonistes de la GnRh fortement dosés, tels que le linzagolix à 200 mg/j, peuvent être administrés pendant une période de maximum six mois. Au-delà, les risques d'ostéoporose pourraient devenir trop importants, tout comme les troubles vasomoteurs. À moins d'y ajouter une hormonothérapie adjuvante, ou add-back therapy: "dans ce cas, la stratégie consiste à administrer au moins 1 mg/j d'oestradiol et 0,5 mg/j d'un progestatif (acétate de noréthistérone): ces doses représentent le minimum nécessaire à une diminution significative de la symptomatologie liée au fibrome tout en évitant celle liée à la ménopause." La tibolone peut constituer une alternative plus efficace contre les troubles vasomoteurs, avec également un risque moindre de métrorragies, mais il faut se rappeler qu'elle n'est pas recommandée en présence d'une ostéoporose [2].
"Dosé plus légèrement (100 mg), le linzagolix peut demander deux à trois mois avant d'obtenir un contrôle des saignements, mais cette dose permet de se passer de l'hormonothérapie adjuvante: les ovaires continuent à produire un peu d'oestrogènes. Cela rassure également les patientes qui craignent les traitements hormonaux car elles observent la persistance de leurs cycles menstruels."
Le bénéfice apporté par les antagonistes de la GnRh s'observe aussi dans le contexte de la phase préopératoire d'une myomectomie programmée, car ils diminuent la taille des fibromes (jusqu'à 50% avec les hauts dosages, après six mois de traitement [3]), ce qui facilite fortement l'intervention.
De l'embolisation à l'hystérectomie
L'embolisation artérielle est une option thérapeutique très intéressante. "Cependant, la majorité des patientes qui nous consultent au départ dans l'optique d'une myomectomie ont également un désir de grossesse. Or, l'embolisation peut compromettre la fertilité", prévient Stavros Karampelas. "Elle induit également des risques de complications au cours de la grossesse et lors de l'accouchement. Elle s'indique donc mieux chez les femmes n'ayant pas de désir de grossesse, mais en sachant que le taux de réintervention est plus élevé qu'après une myomectomie."
Une myomectomie réussie ne constitue malheureusement pas une assurance pour l'avenir: à huit ans, le taux de récidive s'élève à environ 70%.
La myomectomie laparoscopique est un mode interventionnel peu invasif en comparaison avec la chirurgie conventionnelle et, plus encore, que l'hystérectomie, puisqu'elle permet de préserver l'utérus et donc la fertilité.
Ces dernières années ont vu apparaître des méthodes de robotique interventionnelle pour la myomectomie, tel le robot Da Vinci. Qu'apportent exactement ces nouvelles méthodes? Pour le principal, elles sont comparables à la chirurgie laparoscopique conventionnelle, débouchant globalement sur les mêmes résultats. Le bénéfice procuré consiste dans une meilleure précision du geste chirurgical, tout en diminuant fortement la fatigue du chirurgien. Dans les deux cas, l'intervention peut durer entre 3 et 5 heures environ, en fonction du nombre et de la situation des lésions à enlever (contre 1 à 2 heures pour une hystérectomie), et elle peut même être un peu plus longue avec la robotique, mais cette dernière permet de travailler en position assise et confortable, en opérant face à un écran à haute définition et en 3D. Enfin, outre une diminution du nombre de complications au cours de l'intervention, la robotique permet de limiter la taille des incisions cutanées et accélère la récupération de la patiente.
Une image de la féminité parfois compromise
Une myomectomie réussie ne constitue malheureusement pas une assurance pour l'avenir: à huit ans, le taux de récidive s'élève à environ 70%. L'hystérectomie reste la solution ultime. Cependant, si certaines femmes ont des réticences face à l'hormonothérapie en général, il faut savoir qu'elles ne sont pas rares non plus à refuser une hystérectomie malgré l'absence de désir de grossesse. Un phénomène qui serait avant tout d'ordre culturel, explique le spécialiste: "Dans certaines cultures, on considère en effet que la perte de l'utérus équivaut à la perte d'une partie de la féminité. La situation est alors problématique pour le médecin qui fait face à une patiente très symptomatique et pour laquelle l'hystérectomie serait pourtant la solution."
Perspectives diagnostiques et imagerie
Une nouvelle technique peu invasive semble gagner du terrain: la myomectomie par radiofréquence, qui se pratique également sous anesthésie générale avec une durée d'intervention nettement limitée (en général, moins d'une heure).
En ce qui concerne le diagnostic, la survenue d'une percée importante pour le diagnostic précoce de l'endométriose - à savoir la disponibilité de tests salivaires fiables, permettant de débusquer des microARN spécifiques - a de quoi donner des idées. Peut-on imaginer des percées semblables pour le diagnostic des fibromes?
"Ces tests salivaires sont effectivement intéressants dans l'endométriose, et plus particulièrement dans les localisations péritonéales qui peuvent retarder le diagnostic", acquiesce Stavros Karampelas. "Alors oui, l'apparition de nouveaux outils diagnostiques pour le fibrome ne me surprendrait pas, mais je pense que ce n'est pas nécessaire car la présence d'un fibrome est plus simple à identifier: une échographie suffit." Et à propos de l'imagerie: à l'instar de l'échographie en 3D, la RMN est plutôt utile en phase préopératoire, pour mieux préciser la localisation, le volume et le nombre de lésions à exciser.
Références:
>> 1. Schoep ME, Nieboer TE, van der Zanden M, Braat DDM, Nap AW. The impact of menstrual symptoms on everyday life: a survey among 42,879 women. Am J Obstet Gynecol. 2019 Jun ; 220(6): 569. e1-569. e7. doi: 10.1016/j.ajog. 2019.02.048
>> 2. Formoso G, Perrone E, Maltoni S, Balduzzi S, Wilkinson J, Basevi V et al. Short-term and long-term effects of tibolone in postmenopausal women. Cochrane Database Syst Rev. 2016 Oct 12 ; 10(10): CD008536. doi: 10.1002/14651858. CD008536. pub3
>> 3. Donnez J, Taylor HS, Stewart EA, Bradley L, Marsh E, Archer D et al. Linzagolix with and without hormonal add-back therapy for the treatment of symptomatic uterine fibroids: two randomised, placebo-controlled, phase 3 trials. Lancet. 2022 Sep 17 ; 400(10356): 896-907. doi: 10.1016/S0140-6736(22)01475-1
Principaux symptômes liés aux fibromes
Hyperménorrhée
Spotting
Gêne ou douleurs pelviennes
Mictions fréquentes
Constipation
Dorsalgies
Dyspareunie
Infertilité
Douleurs et oedèmes aux membres inférieurs