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Les symptômes peuvent être classés en deux catégories. D'une part, les symptômes d'insuffisance cardiaque (essoufflement, oppression thoracique, oedème de la cheville). D'autre part, les symptômes d'un trouble du rythme cardiaque (palpitations, présyncope/syncope ou arrêt cardiaque). Une découverte fortuite consiste à trouver une anomalie sur un ECG réalisé par hasard, par exemple en préopératoire. Il peut alors s'agir d'un trouble du rythme, telle qu'une fibrillation auriculaire. Un souffle détecté accidentellement à l'auscultation est une autre possibilité. Depuis quelques décennies, nous voyons de plus en plus de patients venir en consultation parce qu'un membre de leur famille a été diagnostiqué avec une cardiomyopathie. L'objectif des examens complémentaires est de diagnostiquer une cardiomyopathie et de la classer dans l'un des phénotypes connus. Si possible, l'étiologie de l'anomalie est également recherchée, car elle peut être pertinente pour le traitement. Il est également important de déterminer la gravité de la cardiomyopathie (FEVG, présence de cicatrices dans le myocarde). Les premiers éléments du diagnostic comprennent l'anamnèse, l'examen clinique, complété par un ECG et un bilan sanguin de base. En deuxième intention, un cardiologue généraliste peut demander en plus une échocardiographie et un Holter ECG. Grâce à ces tests, nous pouvons souvent déjà déterminer si le patient souffre ou non d'une cardiomyopathie. Au cours de l'étape suivante, le diagnostic peut être affiné par des examens moins accessibles, tels qu'une IRM, une scintigraphie osseuse (voir les cas plus loin dans l'article) ou un PET-scan, des tests génétiques et - assez rarement - une biopsie endomyocardique. Les enfants atteints de cardiomyopathie présentent globalement le même tableau clinique que les adultes, mais leur évolution est plus rapide et plus agressive. Chez eux, le diagnostic est plus difficile. La question se pose alors de savoir s'il est nécessaire d'entamer le processus de diagnostic dès à présent, au cas où il n'y aurait pas d'implications thérapeutiques. Tant que la maladie reste asymptomatique, une approche attentiste est une option possible. Outre les symptômes cardiaques classiques, il convient de s'interroger sur d'autres symptômes présents dans l'anamnèse, en particulier s'il existe ou si l'on soupçonne l'existence d'un lien familial. Les troubles de la vision ou de l'audition chez les jeunes sont pertinents - une cause génétique doit être envisagée dans ce cas. D'autres indications d'une maladie systémique ou génétique sont les suivantes: · Troubles du développement ; · Troubles de la marche, faiblesse musculaire ou autres affections musculaires ; · Certaines affections cutanées (telles que l'angiokératome) ; · Une neuropathie. L'anamnèse familiale ne doit pas se limiter à demander s'il existe des parents atteints de maladies cardiaques. Il peut être utile, au moins pour les parents du premier degré (et même les cousins et les cousines), de poser des questions explicites sur les problèmes de santé pertinents, tels que des syncopes ou la pose d'un défibrillateur. La cause du décès des proches est également un sujet de préoccupation, notamment parce que les gens n'associent pas toujours la mort subite (à un jeune âge) à un problème cardiaque. "La mort subite est souvent attribuée à un incident artériel, comme une rupture de l'aorte, mais chez une personne de 40 ans retrouvée morte dans son lit, l'hypothèse d'une cardiomyopathie est beaucoup plus réaliste", explique le Dr Matthias Dupont, du service de cardiologie de l'Hôpital Oost-Limburg (ZOL) à Genk. "Les accidents de voiture inexpliqués, les noyades et la mort subite du nourrisson sont d'autres incidents qui peuvent faire soupçonner une éventuelle cardiomyopathie héréditaire." La plupart des cardiomyopathies sont à transmission autosomique dominante, ce qui signifie que dans la famille, environ une personne sur deux est touchée, avec une prévalence aussi élevée chez les hommes que chez les femmes - bien que la pénétrance puisse varier d'une personne à l'autre, ce qui signifie que l'anomalie génétique ne s'exprime pas toujours de la même manière dans le phénotype. Si les hommes sont nettement plus touchés que les femmes et qu'il n'y a pas de transmission père-fils, il convient d'envisager une pathologie liée à l'X. La cardiomyopathie récessive s'exprime principalement chez les enfants de parents consanguins. Dans le cas d'une maladie mitochondriale, seules les femmes transmettent la maladie à leur descendance. La cardiomyopathie provoque généralement l'une ou l'autre anomalie sur l'ECG, bien que le tracé puisse être normale dans des cas exceptionnels. Dans la cardiomyopathie hypertrophique, on remarque une amplitude des ondes anormalement augmentée ; dans de nombreux cas de cardiomyopathie dilatée, on observe principalement un retard de conduction. Il peut aussi y avoir des anomalies de la repolarisation. La pierre angulaire du diagnostic du cardiologue est l'imagerie. Celle-ci comprend l'échocardiographie et surtout l'IRM. L'échocardiographie permet typiquement de caractériser le phénotype. L'IRM, quant à elle, présente certains avantages spécifiques par rapport à l'échocardiographie, principalement le fait que la structure du myocarde lui-même peut être évaluée beaucoup mieux. Par exemple, on voit beaucoup mieux si le muscle a été remplacé par du tissu cicatriciel. L'IRM fournit donc un certain nombre d'indices qui sont beaucoup plus évocateurs d'une étiologie particulière. Un radiologue expérimenté peut parfois faire une suggestion sur l'étiologie en se basant sur l'image de l'IRM. En outre, chez les personnes obèses, l'IRM est plus facile à réaliser que l'échocardiographie. Enfin, le port d'un défibrillateur n'est plus une contre-indication absolue à la réalisation d'une IRM. Les tests génétiques sont importants dans la cardiomyopathie pour le diagnostic, le pronostic, le traitement et les conseils en matière de reproduction. La plupart des cardiomyopathies sont des affections monogéniques avec un modèle d'hérédité mendélienne, qui - comme indiqué ci-dessus - sont principalement autosomiques dominantes. Il faut se garder de qualifier chaque nouvelle mutation de pathogène. Les études de ségrégation apportent plus de clarté à cet égard: la mutation est détectée chez des membres de la famille et si elle est systématiquement associée à la maladie pour laquelle l'étude a été lancée, on est à peu près certain qu'elle est pathogène. Dans le cas contraire, il s'agit d'une variante dont la signification est inconnue. Une même mutation peut se manifester de différentes manières au sein d'une même famille, et à des âges différents - c'est la pénétrance variable, évoquée plus haut. Parfois, il faut deux causes pour qu'une cardiomyopathie s'exprime: une personne peut être porteuse d'une mutation qui n'est pas très menaçante en soi, mais être associée à un second facteur, tel que l'abus d'alcool, qui finit par provoquer le développement de la maladie. Bien que de nombreux tests génétiques soient actuellement menés, la cardiomyopathie ne trouve une cause génétique que dans une minorité de cas - un peu moins de 50%. Typiquement, la mutation causale est trouvée un peu plus souvent dans la cardiomyopathie hypertrophique que dans la cardiomyopathie dilatée. Le résultat des tests génétiques prend un certain temps, souvent quelques mois. Si on détecte un variant génétique, il est classé comme suit: bénin, probablement bénin, de signification inconnu, probablement pathogène, et enfin pathogène. Si aucune anomalie génétique n'est trouvée, il existe trois possibilités: · La maladie n'est pas d'origine génétique ; · La maladie est génétiquement déterminée, mais émane d'un gène qui n'a pas été testé ; · La maladie est déterminée par plusieurs variantes, chacune ayant une petite taille d'effet (c'est-à-dire qu'elle est polygénique). Pour illustrer l'ensemble des données susmentionnées, le Dr Dupont nous présente trois cas cliniques. Deux frères se présentent à la consultation pour la première fois en l'espace d'une semaine. La raison immédiate est que leur père a dû, à un moment donné, se faire poser des stents, bien qu'il ait une fonction cardiaque normale. Il ressort de l'anamnèse que les frères avaient perdu une soeur de 15 ans à l'époque, victime d'une mort subite due à une embolie pulmonaire. La jeune fille a été retrouvée morte dans son lit le matin. Aucune autopsie n'a été pratiquée. La mère, avec laquelle il n'y a plus de contact, semble être en bonne santé cardiaque. L'ECG des deux frères n'est pas étiqueté comme anormal. "Avec ces données - une embolie pulmonaire chez la soeur et un ECG normal chez les patients - le médecin généraliste pourrait s'arrêter là", admet le Dr Dupont. Le cardiologue poursuit toutefois ses investigations. Le frère 1 a un échocardiogramme normal, mais le frère 2 a un coeur de 5,8 cm de large à l'échocardiographie et qui s'avère être quelque peu hypocontractile. "Avec les antécédents de la soeur, en tant que cardiologue de troisième ligne, on ne peut pas se contenter de fermer les yeux devant une telle histoire", lance Matthias Dupont. Il planifie donc des examens complémentaires. Les deux frères présentent des IRM très anormales, avec une fibrose du myocarde à plusieurs endroits. Le frère 1 présente du tissu cicatriciel, mais aussi une fraction d'éjection normale. Il pourrait donc être étiqueté comme ayant une cardiomyopathie ventriculaire gauche non dilatée. Le frère 2 présente un phénotype déjà dilaté, avec une FEVG de 37% et plusieurs cicatrices. Des tests génétiques sont demandés. Six mois plus tard, le résultat des tests génétiques montre que les deux patients sont porteurs d'une mutation du gène DSP (codant pour la desmoplakine). La desmoplakine est une protéine qui fait partie du desmosome, la structure qui relie deux cellules, y compris les cellules du myocarde. Le protocole indique que la mutation en question n'a pas encore été décrite dans la littérature. Cependant, le généticien estime qu'il est raisonnable de supposer qu'elle peut entraîner une réduction ou une absence de production de desmoplakine. Il en conclut que la mutation est probablement pathogène. En outre, les anomalies du gène DSP ont été bien documentées comme cause de cardiomyopathie dilatée. Les deux frères se voient dès lors implanter un défibrillateur. Les conclusions de ce cas sont les suivantes: · Restez vigilant/sceptique face à des diagnostics tels qu'une rupture d'anévrisme ou l'embolie pulmonaire en cas de mort subite, en particulier si aucune autopsie n'a été pratiquée. · Un ECG normal n'est pas toujours concluant. · L'IRM fournit beaucoup plus de données sur la structure du myocarde que l'échocardiographie. · Une même mutation peut avoir une expression/pénétrance différente chez différents membres d'une même famille. Une femme de 42 ans présente une hypertension légère et un ECG légèrement anormal, réalisé par le médecin du travail. Elle vient en consultation parce qu'il y a quand même pas mal d'antécédents cardiaques dans la famille: · Son grand-père est décédé d'une mort subite à l'âge de 62 ans ; · Sa mère a dû subir des interventions de pontage coronarien ; · Son oncle a bénéficié de stents ; · Son frère a des problèmes cardiaques non spécifiés, pour lesquels il est suivi dans un autre hôpital. La patiente ressent parfois comme un coup de couteau dans la poitrine. Elle fume. Le laboratoire montre un cholestérol LDL de 228 mg/dl. L'ECG indique une légère hypertrophie ventriculaire gauche. L'échographie transthoracique montre une épaisseur du septum de 14 mm, ce qui est légèrement trop. Le cardiologue examine les données familiales disponibles. Il ne dispose d'aucune donnée médicale concernant le grand-père. La mère semble avoir une atteinte tritronculaire, des trois axes coronaires, ce qui explique les pontages. Son échocardiographie est normale. Le cholestérol LDL est de 240 mg/dl. L'oncle du patient a déjà subi trois angioplasties coronaires transluminales percutanées (ACTP) et présente une akinésie de la paroi cardiaque inférieure due à un infarctus. Le cholestérol LDL est de 145 mg/dl. Le frère a subi une ACTP au niveau de la branche antérieure de l'artère coronaire gauche. L'échocardiographie transthoracique était normale à l'époque. Le cholestérol LDL était de 268 mg/dl. "Toutes les cardiopathies familiales ne sont pas des cardiomyopathies", commente le Dr Dupont. "Ces données indiquent plutôt une cardiopathie ischémique précoce. L'étape suivante consiste à traiter les facteurs de risque et à effectuer des tests génétiques à la recherche d'une hypercholestérolémie familiale (et non une cardiomyopathie). Dans ce cas, les tests génétiques se sont avérés positifs, avec une mutation dans le récepteur LDL."Le dernier cas concerne un ingénieur retraité de 78 ans qui a longtemps couru des marathons. Il se présente à la consultation avec un essoufflement progressif. Il continue à faire du jogging, mais il éprouve plus de difficultés depuis quelque temps. Le patient souffre d'hypertension artérielle. Il présente un léger oedème de la cheville. Les analyses sanguines révèlent une légère élévation du NT-proBNP et de la troponine. L'ECG est sans particularité, mais l'échocardiographie montre une hypertrophie prononcée du ventricule gauche et un profil de remplissage restrictif. "Un tel degré d'hypertrophie ne peut être dû à l'hypertension ou à des antécédents d'activité sportive intense", indique le Dr Dupont. "Sur la base de la clinique, de l'échocardiographie et de la valeur élevée du NT-proBNP, nous diagnostiquons donc ici une cardiomyopathie hypertrophique avec dysfonctionnement restrictif. À l'âge du patient, la cause la plus classique est l'amylose cardiaque.""Pour ce diagnostic, nous disposons heureusement d'une imagerie très sensible et spécifique. Sur la scintigraphie osseuse du patient, on voit une hyperfixation du radiotraceur au niveau cardiaque, ce qui n'arrive pas avec un coeur sain. Ce résultat oriente vers une amylose cardiaque à transthyrétine, après avoir écarté l'amylose AL (cette dernière est une amylose causée par la précipitation de chaînes légères d'anticorps dans une forme spécifique de myélome multiple). En identifiant l'étiologie, un traitement ciblé est possible."