Les enfants et les adolescents souffrant de dysphorie de genre nécessitent une approche spécifique. "Nous pensons même que le groupe des 23-25 ans a également besoin d'une telle approche", déclare la Pre Martine Cools, endocrinologue pédiatrique, service de pédiatrie - équipe chargée du genre, à l'UZ Gent. "Chez les jeunes de 20 ans nous constatons en effet que le contexte et les problèmes sont souvent similaires à ceux que nous observons chez les enfants et les adolescents."
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En outre, "les jeunes âgés d'une vingtaine d'années vivent encore souvent avec leurs parents, dont ils dépendent généralement sur le plan émotionnel et financier à ce stade de leur vie", explique la Pre Cools. "Il est donc important que les parents se sentent concernés par l'histoire du jeune, et qu'ils l'aident pour les étapes qu'il souhaite franchir dans son parcours de genre."Le traitement hormonal en vue d'une transition de genre n'est instauré chez les jeunes patients qu'en présence des premiers signes physiques de la puberté, ainsi qu'après avoir bénéficié d'un psychodiagnostic approfondi et d'un accompagnement psychologique intensif. "C'est très important", souligne la Pre Cools. "L'équipe chargée des questions de genre veut pouvoir vérifier si la dysphorie de genre augmente au début de la puberté, ou si les changements physiques propres à la puberté sont acceptés par l'adolescent".Les jeunes adolescents en demande de soins pour une dysphorie de genre font donc l'objet d'un examen clinique visant à déceler les caractéristiques d'une puberté naissante. Plus précisément, il s'agit d'un stade de Tanner M2 chez les filles et G2 chez les garçons. Si c'est le cas, le médecin le signale au psychologue car l'accompagnement psychologique doit être intensifié à ce stade. À ce stade, le psychologue et le pédopsychiatre vérifient si la dysphorie de genre augmente sous l'influence du développement physique pubertaire et si le désir de continuer à appartenir à l'autre sexe se renforce. Leurs conclusions sont discutées lors d'une concertation multidisciplinaire. Si la conclusion commune est qu'il y a une indication à prendre d'autres mesures, l'enfant peut consulter l'endocrinologue pédiatrique à cet effet, à condition de continuer à bénéficier d'un accompagnement psychologique. La première étape - prudente - de ce trajet de soins consiste à freiner sa propre production d'hormones. Cette phase est destinée à créer la progressivité nécessaire dans le processus psychologiquement et physiquement invasif de la transition. Les adolescents peuvent profiter de cette période pour évaluer les implications sociales de leur transition et éventuellement faire leur coming out. En outre, l'aspect de la fertilité doit être discuté avec les candidats à la transition afin qu'une cryoconservation des gamètes puisse être réalisée si souhaité. Les enfants âgés de 10 à 12 ans sont mentalement et physiquement trop jeunes pour cela. Vers l'âge de 15 ans, si le jeune désire une conservation de ses gamètes, le freinage de sa propre production d'hormones peut être levé pendant neuf à douze mois et le prélèvement pourra alors être effectué. Le freinage de la production endogène d'hormones peut se faire de deux manières. La première consiste à utiliser des analogues de la GnRH, la triptoréline (Decapeptyl®) étant la plus couramment utilisée. Ces médicaments inhibent la libération pulsatile de FSH et de LH par l'hypophyse. La deuxième option consiste à administrer des progestatifs de synthèse. Ceux-ci n'inhibent pas l'hypophyse mais interfèrent avec la production d'hormones au niveau gonadique. Chez les garçons trans, on utilise le lynestrénol (Orgametril®), un progestatif aux effets androgéniques légers qui entrave l'ovulation et les menstruations. "Les menstruations constituent la principale souffrance chez les garçons transgenres", note la Pre Cools. Auparavant, chez les filles trans, on utilisait parfois l'acétate de cyprotérone (Androcur®), qui réduit la production de testostérone et a également un effet anti-androgène. Ce médicament est moins utilisé actuellement en raison de ses effets secondaires. La spironolactone est une alternative principalement utilisée aux États-Unis. La plupart des filles transgenres utilisent un analogue de la GnRH. Que choisir, chez les garçons trans, entre la triptoréline et le lynestrénol? Jusqu'en 2022, la triptoréline n'était pas remboursée et le médicament contre la dysphorie de genre ne pouvait être prescrit que par convention chez les adolescents précoces (M2-3 ou G2-3). La situation était alors claire: tous les adolescents en début de puberté recevaient de la triptoréline, les plus âgés recevaient du lynestrénol (ou de l'acétate de cyprotérone chez les filles trans). "Il y avait une certaine logique à cela car les analogues de la GnRH ne font pas régresser les caractères pubertaires avancés", commente Martine Cools. "Le développement des seins n'est donc pas inversé par ce traitement. Comme le lynestrénol, la triptoréline peut entraîner la disparition des règles chez les garçons trans (les érections et la pilosité diminuent chez les filles trans, comme avec l'acétate de cyprotérone). Le bénéfice procuré par la triptoréline n'est donc a priori pas clair à un stade avancé de la puberté. En revanche, il est certain au début de la puberté car il stoppe le développement des caractères pubertaires. Chez les garçons trans pubères précoces, il n'y aura pas de développement ultérieur des seins, de sorte qu'il ne sera pas nécessaire de procéder à une ablation mammaire par la suite - le développement précoce des seins régressera même sous l'effet de la triptoréline, laissant tout au plus l'image d'une adipomastie. Chez les filles transgenres, la triptoréline garantit qu'il n'y a pas de modification de la voix ni de développement du pénis. Ces effets ne peuvent pas être obtenus avec respectivement le lynestrénol ou l'acétate de cyprotérone."Depuis 2022, tout médecin peut prescrire de la triptoréline à des patients de tout âge. Cela a-t-il changé la pratique et, si oui, comment? "Pour les filles trans, la situation est assez simple", explique Martine Cools, "car l'acétate de cyprotérone a pas mal d'effets secondaires (baisse d'énergie, dépression...) et la triptoréline n'inhibe pas aussi bien le taux de testostérone - de sorte que l'effet sur les érections, par exemple, est moins prononcé. La triptoréline présente également des effets secondaires, mais elle est nettement plus efficace que l'acétate de cyprotérone et est donc généralement préférée. Dans des cas très spécifiques, par exemple si nos psychologues doutent que le jeune optera finalement pour une transition mais qu'il éprouve actuellement une grande souffrance, nous pouvons commencer à administrer de l'acétate de cyprotérone. Si nous constatons que le jeune ne franchit pas d'autres étapes dans le processus de transition, nous pourrons réexaminer avec lui si la poursuite du traitement a un sens. Beaucoup de choses dépendent en effet du jeune. Nous ne disons jamais: c'est le moment de passer à l'étape suivante. L'initiative doit venir du jeune. Au passage, je signale que la transition homme -> femme est aujourd'hui moins fréquente chez les enfants et les adolescents. Autrefois, c'était l'orientation la plus fréquente. Depuis quelques années, c'est l'inverse qu'on observe. Le nombre d'adolescents à qui nous prescrivons de l'acétate de cyprotérone est donc faible". Le groupe le plus important de patients qui consultent actuellement l'endocrinologue pédiatrique est constitué d'enfants nés filles qui sont déjà en fin de puberté et chez qui la dysphorie de genre - pour autant que l'on sache - n'est pas présente depuis l'enfance, mais apparaît au cours des premières années de la puberté. "La littérature mentionne principalement l'utilisation de la triptoréline dans cette situation, car d'autres pays n'ont jamais été confrontés au remboursement limité tel qu'il existait en Belgique jusqu'en 2022", indique Martine Cools. "Mais ici encore, la triptoréline passe à l'arrière-plan si l'évaluation diagnostique n'indique pas sans équivoque que la transition de genre est la seule option possible pour la jeune personne concernée. Dans ce cas, nous optons plutôt pour le lynestrénol (lire aussi l'encadré ci-dessus 'Lien de causalité')."Enfin, Martine Cools précise le calendrier du traitement hormonal: "Dans notre centre, nous n'initions un traitement par triptoréline chez un enfant âgé entre 10 et 12 ans que si le diagnostic psychologique fournit suffisamment d'arguments pour penser que la transition de genre est la seule voie possible pour lui. Nous ne nous laissons pas perturber par l'apparition des traits physiques de la puberté tant que le diagnostic psychologique n'est pas clair. C'est un principe qui s'est souvent avéré précieux. Car la pression peut parfois être forte, que ce soit de la part du jeune ou de son entourage. Régulièrement, les patients partent trop du principe qu'il convient de lancer un traitement hormonal dès les premiers signes de puberté, et que le diagnostic viendra bien plus tard."Les hormones d'affirmation du genre ne sont pas administrées avant l'âge de 15 ou 16 ans. Si le diagnostic est clair chez un adolescent mature et bien encadré, on peut débuter le traitement dès l'âge de 15 ans. Cette étape n'est pas fondamentalement différente chez les adolescents et les adultes. Chez les adolescents qui n'ont pas encore passé l'étape de la puberté, les doses sont augmentées un peu plus lentement parce que leur organisme n'a encore jamais été en contact avec des hormones sexuelles.