...

La céphalée de tension est une autre forme fréquente de céphalée primaire, mais selon le Pr Paemeleire, elle peut difficilement être confondue avec la céphalée en grappe: "En anglais, la céphalée de tension est parfois appelée featureless headache (céphalée sans caractéristiques). Lors de l'anamnèse, on ne trouve aucune caractéristique particulière. Le patient souffre de céphalées oppressives sur toute la largeur du front ou autour de la tête. La douleur n'augmente pas avec le mouvement, il n'y a pas de nausées,... La céphalée de tension n'est donc pas vraiment un diagnostic différentiel important de la céphalée en grappe."La douleur autour de l'oeil peut être due à une sinusite mais, là encore, selon le Pr Paemeleire, il ne faut pas confondre: "Il s'agit plutôt d'une douleur persistante, et non d'épisodes douloureux qui surviennent au cours de la journée, puis sur plusieurs semaines. De plus, la sinusite s'accompagne typiquement (mais pas toujours) d'un écoulement nasal purulent."En ce qui concerne les erreurs de diagnostic, il ajoute: "En tant que médecin/soignant, il ne faut pas se laisser abuser par les croyances préexistantes du patient quant à la cause de sa douleur. Dans la série de patients flamands que nous avons examinés, 10% avaient subi une intervention dentaire parce que la céphalée en grappe avait été attribuée à tort à un problème dentaire. Je dois ajouter que certains de ces patients souffrant de céphalées en grappe présentaient également des douleurs à la mâchoire. La douleur était en effet plus intense dans l'orbite ou au-dessus, mais en y regardant de plus près, un peu plus de 40% d'entre eux avaient également des douleurs dans la mâchoire supérieure, et un peu plus de 10% dans la mâchoire inférieure".La pathogenèse des céphalées en grappe reste largement énigmatique, mais il est clair que la douleur émane d'un trouble au niveau du cerveau. Des études par PET-scan ont démontré que l'hypothalamus est activé pendant les crises de céphalées en grappe. Or, l'hypothalamus est lié à une série de systèmes impliqués dans les céphalées en grappe. Il est relié au système de la douleur, joue un rôle important dans la régulation du système nerveux autonome et est le siège de l'horloge biologique centrale du corps. Ces connexions et fonctions peuvent être liées aux céphalées, aux phénomènes autonomes crâniens observés dans les céphalées en grappe et au schéma circadien et circannuel de la douleur, respectivement. "Étant donné que l'imagerie cérébrale ne peut montrer que des anomalies fonctionnelles et non structurelles, les céphalées en grappe sont considérées comme un trouble et non comme une maladie", souligne le Pr Paemeleire. "Les céphalées en grappe sont liées à une prédisposition génétique. Les membres de la famille d'un patient souffrant de céphalées en grappe sont sept à huit fois plus susceptibles de souffrir eux-mêmes de ce trouble que ce qui est observé dans la population de base (7-8/1.000 contre 1/1.000).""Nous avons participé, avec l'ADN d'une centaine de patients, à une étude GWAS (genome wide association study) européenne qui a révélé un certain nombre de gènes à risque [1]. Au total, l'étude a trouvé huit loci associés aux céphalées en grappe. Notons qu'elle a également trouvé une association avec un gène qui prédispose au tabagisme. Cela nous renvoie au constat que la majorité des patients souffrant de céphalées en grappe sont des fumeurs ou d'anciens fumeurs."Enfin, il a également été démontré que les crises de céphalées en grappe, comme la migraine, s'accompagnent de la libération du neuropeptide CGRP. Cependant, dans les céphalées en grappe chroniques, des anticorps monoclonaux dirigés contre le CGRP n'ont pas donné de bons résultats. Dans les céphalées épisodiques, des études ont montré un 'signal' suggérant une efficacité. Aux États-Unis, l'anticorps monoclonal gacanezumab, qui cible le CGRP, est autorisé pour le traitement des céphalées en grappe, mais pas en Europe. Dans le cadre du traitement, il importe avant tout d'adopter une attitude empathique. Comme mentionné précédemment, certains patients souffrant de céphalées en grappe deviennent suicidaires. Pour le patient, il est important de constater que le médecin comprend la gravité du problème. Il est judicieux de recommander au patient d'éviter les siestes parce qu'elles peuvent déclencher les céphalées. Il s'agit d'un point d'attention important car certains patients sont réveillés par une crise de douleur pendant la nuit et sont donc fatigués pendant la journée. De même, il est préférable que les patients évitent les variations importantes de leur rythme de sommeil, ainsi que la consommation d'alcool. · Traitement de crise. Pour le traitement des crises, le sumatriptan (Imitrex® 6 mg par voie sous-cutanée) fonctionne très bien chez la plupart des patients, avec un soulagement de la douleur souvent dans les 5 à 10 minutes suivant l'administration. Ce traitement peut être administré au maximum deux fois par jour, ce qui constitue une contrainte si le patient a davantage de crises sur la journée. Un autre traitement très efficace des crises est l'administration d'oxygène pur à 100% à l'aide d'un masque sans réinspiration (séparant l'air inspiré et l'air expiré) pendant au moins 15 minutes, à un débit d'au moins 12 litres par minute. Le mécanisme d'action de ce traitement est inconnu. Le traitement de la crise, avec du sumatriptan sous-cutané ou de l'oxygène, est reconnu efficace si le patient ne ressent plus de douleur après 15 minutes. · Traitement préventif. Le principal traitement préventif est le vérapamil (Isoptin® Lodixal®. Tant pour les céphalées en grappe épisodiques que pour les formes chroniques, ce traitement doit être augmenté jusqu'à une dose élevée. Cela prend plusieurs semaines. En raison des effets cardiaques, une surveillance régulière par ECG est nécessaire. Les autres traitements préventifs sont relativement peu étayés. Le lithium peut être administré (sur la base d'une seule étude) pour les céphalées en grappe chroniques, mais nécessite une surveillance régulière par prises de sang. Il n'existe pas d'études contrôlées sur le topiramate et la mélatonine dans les céphalées en grappe. Une autre option est la thérapie de transition, qui vise à prévenir les crises en attendant que la dose adéquate de vérapamil soit atteinte. Auparavant, un traitement oral à base de cortisone était généralement utilisé à cette fin. Ce traitement est très efficace, mais n'est pas l'option de choix en raison de ses effets secondaires. Il peut être favorablement remplacé par l'infiltration sous-cutanée autour du nerf grand occipital, avec un mélange de cortisone et de lidocaïne. Ce traitement est efficace et ses effets systémiques sont très limités. Comment expliquer que les céphalées en grappe, qui sont localisées (supra-)orbitaires et liées à une hyperactivité de l'hypothalamus, soient prévenues par l'infiltration d'un nerf périphérique dans l'occiput? Koen Paemeleire: "J'aimerais tout d'abord préciser que ces infiltrations sont également pratiquées dans la migraine, où la douleur est également localisée dans la zone d'innervation du nerf trijumeau. L'explication la plus plausible réside dans le fait que les stimuli nociceptifs issus de la région trigéminale d'une part et de la région occipitale d'autre part convergent vers une zone du cerveau appelée complexe trigéminocervical. Le nerf grand occipital serait donc une porte d'entrée vers le complexe trigéminocervical. Restons toutefois prudents. Les recherches montrent que l'infiltration du nerf grand occipital est efficace dans les céphalées en grappe, mais l'explication reste incomplète. Par exemple, la contribution potentielle d'un effet systémique de la cortisone n'a pas été suffisamment étudiée.""Il est important de proposer aux patients souffrant de céphalées en grappe à la fois un traitement de crise, un traitement de transition et un traitement préventif. Toutefois, dans le cas de périodes de céphalées en grappe très courtes, on peut opter pour les deux premiers traitements uniquement", souligne le Pr Paemeleire. "Le patient choisit alors s'il veut le traitement préventif. En général, le traitement préventif est accepté, car le patient veut être débarrassé de ses crises le plus rapidement possible. Avec la bonne approche, nous pouvons aider efficacement la plupart des patients souffrant de céphalées en grappe."Si un patient souffrant de céphalées en grappe épisodiques n'a pas eu de maux de tête pendant deux à trois semaines, le traitement préventif peut être abandonné progressivement. Poursuivre le traitement préventif pendant les intervalles sans douleur n'a pas d'utilité. Dans le cas des céphalées en grappe chroniques, on sera probablement un peu plus réticent à arrêter rapidement le traitement, même si les crises disparaissent pendant quelques semaines. "Il faut néanmoins encourager les patients non algiques à ne pas continuer à prendre leur traitement d'entretien pendant des années", souligne le Pr Paemeleire. "Les patients ont parfois peur que leurs crises réapparaissent s'ils arrêtent progressivement leur traitement d'entretien. Il est important de leur offrir la perspective d'une consultation urgente en cas de nouvelle crise."Si l'âge typique d'apparition des céphalées en grappe est bien connu, il existe peu de données sur la disparition éventuelle du trouble avec l'âge. En effet, les patients peuvent cesser de consulter pour des raisons autres que la disparition d'un problème de santé. La prévalence relativement faible des céphalées en grappe rend cette question difficile à éclaircir. Et Koen Paemeleire de conclure: "L'expérience de la pratique clinique suggère quand même que les céphalées en grappe disparaissent avec l'âge. Si vous voyez une personne âgée de 70 ans ou plus avec des maux de tête, le diagnostic sera très rarement celui de céphalées en grappe. Chez une personne âgée de 60 à 70 ans, la probabilité de céphalées en grappe est déjà légèrement plus élevée, mais il ne s'agit pas non plus d'une hypothèse de travail prioritaire."