Le paludisme reste la maladie tropicale la plus meurtrière en Belgique. Ces décès sont dus d'une part au fait que le patient lui-même confond ses symptômes avec ceux de la grippe, et ne voit donc pas la gravité de son état, et d'autre part au fait que le médecin ne pense pas à la possibilité du paludisme.
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" Le nombre exact de cas de paludisme est difficile à estimer ", explique le Pr Steven Callens (médecine du Voyage, UZ Gent)." Le paludisme n'est pas une maladie soumise à déclaration obligatoire. De nombreux cas sont déclarés à l'Institut Tropical mais certainement pas tous. Les statistiques ne sont pas totalement fiables, mais on estime que dans notre pays, la malaria frappe encore quelque 300 à 350 personnes par an. De ce fait, on ne peut qu'estimer également le nombre de décès dus au paludisme : il n'y en aurait que quelques uns, tout au plus trois, chaque année. "Dans le monde, le nombre de victimes succombant à la malaria a diminué de 29 % entre 2000 et 2015. Elles étaient 429.000 en 2015, dont 92 % en Afrique et 70 % chez des enfants de moins de cinq ans. Cette baisse est avant tout le résultat d'initiatives internationales, telles que celles menées par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ; néanmoins, les fonds menacent de s'épuiser.L'épidémiologie du paludisme a considérablement changé. " Dans le monde, il n'y a que quelques zones dans lesquelles une augmentation de l'incidence du paludisme a été notée, mais il ne s'agit généralement pas de zones touristiques. C'est le cas au Venezuela. Par contre, une île comme Zanzibar n'a eu que peu, voire plus du tout de cas de malaria ces dernières années, et donc il n'est plus conseillé aux voyageurs de prendre un traitement prophylactique antipaludéen avant de s'y rendre. De même en Asie du Sud-Est, l'incidence a très fortement diminué, au point que nous estimons déjà que les mesures anti-moustiques suffisent dans bon nombre de cas. Nous attirons cependant l'attention des voyageurs sur le fait que s'ils présentent de la fièvre après leur retour, il faut inclure le risque de paludisme dans le diagnostic différentiel. "Il est important de savoir que Plasmodium knowlesi, une forme fréquente en Asie du Sud-Est, ressemble morphologiquement à P. malariae tout en provoquant des symptômes moins sévères ; mais l'état de santé après infection à P. knowlesi est comparable à celui après infection à P. falciparum.De plus, le paludisme peut d'abord donner des symptômes modérés, tant chez ceux qui ont pris le traitement prophylactique que chez les autres. Chez les personnes qui se plaignent de fièvre et de malaise général, comme en cas de grippe, et qui reviennent depuis peu - 4 à 6 semaines avant les symptômes - d'une région où le paludisme est endémique, un examen de la goutte épaisse doit être réalisé. " Avec l'ancien, mais toujours actuel, examen de la goutte épaisse (pour la détection du paludisme) et un frottis (pour déterminer par microscopie optique la forme présente de paludisme), le parasite peut être détecté lors d'une crise aiguë. C'est également le cas avec un test de diagnostic rapide correct, réalisé dans de bonnes conditions. La PCR peut être utilisée pour identifier l'espèce - ce qui ne se fait actuellement que dans le laboratoire de référence de l'Institut de Médecine Tropicale d'Anvers, mais bientôt aussi dans d'autres centres. La PCR présente une sensibilité très élevée, mais c'est également le cas de la combinaison goutte épaisse et test rapide ; elle pourrait, à terme, devenir le " gold standard " en termes de diagnostic. La détection des anticorps n'a pas sa place dans le diagnostic en phase aiguë. Elle peut néanmoins être utilisée par exemple chez des personnes qui résident dans des zones endémiques et y ont contracté un paludisme à P. vivax. Si la présence d'anticorps est confirmée, il existe un risque de présence d'hypnozoïtes - des formes dormantes au niveau du foie - qui devront être traités par primaquine après traitement classique.La prophylaxie du paludisme peut être prescrite aux voyageurs par le généraliste. Habituellement, ceux qui voyagent régulièrement connaissent les traitements à prendre. Aujourd'hui, il s'agit de la combinaison d'atovaquone/proguanil ou la doxycycline. La méfloquine n'est plus utilisée que très rarement, et quand elle est prescrite, le patient doit recevoir une brochure d'information précisant les effets secondaires. Mais la méfloquine est de plus en plus remplacée par un antibiotique, la doxycycline, également pour la prophylaxie du paludisme." Ce qui se passe généralement le moins bien, c'est le manque de rigueur dans le contrôle des risques d'exposition au paludisme par les différents types de voyageurs. Les généralistes peuvent jouer un rôle important pour les personnes qui rendent visite à des amis et parents - essentiellement des personnes d'origine étrangère, souvent africaine, vivant en Belgique - qui se rendent dans leur pays d'origine par exemple pour montrer leur nouveau-né. A l'occasion d'une consultation pour tout autre problème de santé, le médecin peut indiquer à ces personnes qu'une préparation est nécessaire pour que la mère et l'enfant voyagent dans des conditions de sécurité optimales : les vaccins doivent être en ordre, dont, pour les tout petits enfants, la vaccination contre la rougeole, voire la prophylaxie anti-paludéenne. "L'immunité contre le paludisme est en effet une " semi-immunité " qui disparait après six mois sans exposition au parasite. Sans moyen de prévention, le risque de paludisme grave est plus grand en cas d'infection lors de la visite chez la famille et les amis dans leur pays d'origine.Emporter un traitement d'urgence du paludisme dans les bagages est une option pour les longs séjours ou lorsque l'on traverse de grandes régions où le risque de paludisme n'est pas toujours présent. C'est par exemple le cas en Colombie où les voyageurs ne passent dans une zone à risque que quelques jours sur tout leur séjour, ou pour les routards en Asie du Sud-Est où le risque de paludisme est aujourd'hui faible. " Pour éviter de leur faire prendre le traitement prophylactique anti-paludéen durant une longue période, nous prescrivons le traitement d'urgence, à savoir la combinaison d'atovaquone et proguanil ou le traitement à base de dérivé d'artémisinine. Nous leur recommandons, en cas de fièvre, de faire d'abord confirmer le diagnostic de paludisme (s'ils sont proches d'une ville avec un grand hôpital) ou d'exclure un autre diagnostic. En Asie du Sud-Est, par exemple, le diagnostic différentiel avec une bactériémie à salmonelle est essentiel. "Il existe un vaccin anti-malarique qui ne protège que contre l'exposition au parasite ; il est donc réservé aux petits enfants dans les zones endémiques.