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Depuis la mise à jour de la directive européenne en 2016, une troisième forme a été définie : l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection intermédiaire (HFmrEF). Le Pr Emeline Van Craenenbroeck (Service de cardiologie et de transplantation, Hôpital Universitaire d'Anvers) explique : " En cas d'HFpEF, la fraction d'éjection (FE) est ≥ 50 %, pour l' HFrEF, elle est <40 %. Il restait donc le groupe de patients avec une FE située entre 40 et 49 %, pour qui les directives thérapeutiques actuelles ne préconisent pas de traitement particulier. "La question de savoir si l'HFpEF et l'HFrEF sont vraiment deux entités distinctes ou font plutôt partie d'un spectre, reste actuellement sans réponse. Et cela est lié aux causes de l'HFpEF : elles sont si hétérogènes qu'il y aura bien des patients qui finiront par voir diminuer leur FE, mais pas tous.Ce sont surtout les comorbidités qui sont à l'origine de l'HFpEF : hypertension artérielle de longue date, insuffisances rénale ou hépatique, diabète, obésité... Souvent, ces causes se combinent chez les patients présentant un profil métabolique défavorable. Le vieillissement est un autre facteur de risque majeur d'HFpEF, ainsi que le sexe féminin. " On croit souvent que les femmes bénéficient d'une protection hormonale contre les maladies cardiovasculaires. Cela est vrai pour l'infarctus du myocarde, mais cela ne signifie pas qu'elles ne courent aucun risque au niveau des petits vaisseaux sanguins. Il faut dès lors être plus attentif, car les femmes peuvent aussi souffrir d'insuffisance cardiaque, en particulier d'HFpEF. "Les patients avec HFpEF sont sous-diagnostiqués. Les symptômes classiques de l'insuffisance cardiaque sont l'essoufflement et l'intolérance à l'effort, un gonflement des pieds, souvent attribués au vieillissement, l'obésité et le déconditionnement. " L'HFpEF peut être suspectée en fonction des symptômes et des facteurs de risque, mais le diagnostic doit être posé par une échocardiographie et par dosage de biomarqueurs (par exemple NT-proBNP.). Ce dernier peut être réalisé chez le généraliste : si le taux de NT-proBNP est très faible ou normal, l'insuffisance cardiaque est peu probable. En cas d'augmentation, une évaluation cardiaque est alors nécessaire. "D'autant plus que nous disposons maintenant de modalités de traitement, qui n'existaient pas il y a peu.D'une part, nous savons que les changements du mode de vie ont un effet : perdre du poids, traiter correctement un diabète, mais surtout pratiquer une activité physique. Ces mesures sont très utiles pour prévenir l'aggravation de l'insuffisance cardiaque, mais aussi pour réduire la faiblesse du muscle cardiaque. " A l'UZA, nous avons lancé une étude scientifique sur la réadaptation cardiaque des patients atteints de HFpEF. Les données doivent encore être analysées, mais au niveau individuel, nous avons déjà constaté des améliorations spectaculaires en termes de mesures aussi bien subjectives qu'objectives ; aussi, la réadaptation cardiaque semble être une thérapie prometteuse pour ce type d'insuffisance cardiaque. "" Pour ce qui concerne les traitements médicamenteux, nous étions démunis, car les traitements conventionnels de l'insuffisance cardiaque - bêtabloquants, ACE-inhibiteurs - n'influencent pas la mortalité dans HFpEF. Les antagonistes du récepteur minéralocorticoïde (ARM), tels que la spironolactone, nous redonnent de l'espoir, car ils peuvent, selon une étude récente, améliorer le pronostic de ces patients. " Il convient également de vérifier si le bêtabloquant ne doit pas être réduit car les patients avec HFpEF souffrent souvent d'incompétence chronotrope : du fait de leur insuffisance cardiaque, ils éprouvent des difficultés à adapter leur rythme cardiaque à l'exercice, et seront donc rapidement à court d'haleine.Le suivi à distance peut contribuer à diminuer les hospitalisations répétées chez les patients atteints de HFpEF, avec un impact sur leur survie. Le suivi des mesures quotidiennes (fréquence cardiaque, pression artérielle, poids), la prise de médicaments, un coach personnel pour réaliser des exercices physiques à la maison... voilà quelques exemples qui justifient le développement du suivi à distance. La clinique de l'insuffisance cardiaque - la norme actuelle dans les soins de l'insuffisance cardiaque - travaille en étroite collaboration avec le médecin généraliste, mais avec le suivi à distance, le généraliste peut réagir rapidement en cas de variation anormale des mesures.La moitié des cas de HFrEF se produisent après un infarctus du myocarde ; l'autre moitié en cas de cardiomyopathies, avec un facteur héréditaire, de sorte que les patients atteints d'insuffisance cardiaque typique sont de plus en plus jeunes. Depuis novembre 2016, un nouveau médicament contre l'HFrEF est apparu sur le marché, qui pourrait intéresser de plus en plus de patients. Il s'agit d'un inhibiteur du récepteur de l'angiotensine et de la néprilysine (ARNI), en particulier la combinaison de valsartan, un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine, et de sacubitril, un inhibiteur de la néprilysine, qui inhibe la dégradation de BNP, et qui a pour effet physiologique une augmentation de la natriurèse.Indications et effets secondaires" L'étude PARADIGME-HF a prouvé la supériorité de cette combinaison par rapport à des ACE-inhibiteurs, qui constituent depuis déjà plus de 30 ans la pierre angulaire du traitement contre l'HFrEF. Pour l'instant, la combinaison n'est pas (encore) recommandée pour les nouveaux patients souffrant d'insuffisance cardiaque : on débute toujours par un inhibiteur d'ACE. Mais si les patients demeurent symptomatiques malgré tout - et il y en a - et ont une FE ≤ 35%, nous changeons. "Les effets secondaires sont une forte diminution de la pression artérielle - l'hypotension orthostatique cause souvent l'arrêt du traitement - et l'hyperkaliémie. " C'est là que le généraliste peut jouer un rôle. Pour la titration médicamenteuse, des tests sanguins sont nécessaires toutes les deux semaines pour vérifier la kaliémie, en particulier si le patient prend déjà de la spironolactone. L'hyperkaliémie peut mettre la vie du patient en danger. "Schéma thérapeutique classiqueLes patients HFrEF doivent recevoir un bêtabloquant. " Leur traitement classique se compose d'un bêtabloquant, d'un ACE-inhibiteur et d'un ARM. Si la fréquence cardiaque est supérieure ou égale à 70 bpm, on peut envisager l'ivabradine. En cas de complexe QRS large, le traitement de resynchronisation cardiaque (CRT) par stimulateur cardiaque spécial, éventuellement en association avec un défibrillateur implantable, est indiqué. Les patients doivent également suivre un programme de réadaptation cardiaque. Chez les patients de plus 65 ans qui demeurent symptomatiques, nous allons vers le support par un coeur artificiel, la transplantation. Vu la longueur des listes d'attente, nous travaillons de plus en plus avec des coeurs artificiels dans l'intervalle. Le patient ne survit généralement pas à deux ans d'attente, donc nous implantons une petite pompe qui aide le coeur, en attente de transplantation. "