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La sinusite chronique peut se présenter avec ou sans polypes nasaux. Les symptômes possibles sont nombreux: congestion et/ou écoulement nasal, sécrétion de mucus dans la gorge, céphalées, douleur ou sensation de pression au niveau du visage, diminution de l'odorat et douleur dentaire. Le tableau clinique est hétérogène. Certains patients se plaignent principalement de congestion nasale et d'expectorations, tandis que d'autres souffrent de céphalées et de perte d'odorat. Dans les cas sévères, le spectre complet des symptômes est présent. La perte de l'odorat n'est pas systématique, mais concerne malgré tout la majorité des patients. L'absence totale d'odorat dans un contexte de symptômes typiques d'une sinusite chronique est un indice majeur de polypose. "Il faut distinguer la sinusite chronique de la rhinite allergique", relate le Pr Valérie Hox (service ORL, Cliniques universitaires Saint-Luc). "Cette dernière ne provoque pas de céphalées ni de perte de l'odorat, ou du moins pas de manière manifeste. Le patient souffre plutôt de picotements oculaires et d'écoulement nasal." Citons encore la sinusite récurrente, qui se manifeste par plusieurs épisodes de sinusite par an. Contrairement à la sinusite chronique typique, elle peut être induite par certaines anomalies anatomiques, comme une déviation de la cloison nasale ou des cellules sinusales obstructives (lire ci-dessous). Globalement, la prévalence de la sinusite chronique au sein de la population européenne est de 10%, avec des variations en fonction des régions: de 5 à 6% en Scandinavie et environ 18% en Belgique - différence qui s'explique probablement par la pollution atmosphérique, certaines particularités nutritionnelles et les modes de vie. La sinusite chronique accompagnée de polypose concerne de 2 à 4% de la population: on estime que 4% des patients sont porteurs de polypes, mais ils ne présentent pas tous suffisamment de symptômes pour consulter un médecin. La sinusite chronique se développe généralement à l'âge adulte, mais dans de rares cas elle touche aussi les enfants et les adolescents. La pathogénèse de la sinusite chronique, avec ou sans polypose, est loin d'être élucidée. "C'est pour cela qu'il nous est souvent difficile de répondre à un patient qui demande pourquoi il souffre de sinusite chronique, avec ou sans polypose", signale le Pr Peter Hellings (service ORL, UZ Leuven). Par ailleurs, il ne semble pas y avoir deux mécanismes pathogéniques différents, selon que le patient souffre de sinusite chronique avec ou sans polypose. Toujours est-il qu'on pense à une interaction de facteurs génétiques et environnementaux, parmi lesquels l'allergie et l'exposition respiratoire, que ce soit à une forte concentration de particules fines dans l'air extérieur ou à des substances volatiles irritantes sur le lieu de travail. La composition du microbiote nasal constitue un autre facteur: le Staphylococcus aureus peut jouer un rôle, de même que d'autres facteurs déclencheurs microbiens, comme une mycose. Des données récentes font encore état de facteurs nutritionnels et même du microbiote intestinal, qui pourrait intervenir dans le développement et la persistance d'une inflammation des voies respiratoires. Il faut interpréter ces données avec prudence, cette corrélation n'impliquant pas nécessairement un lien de cause à effet. Le Pr Philippe Gevaert (service ORL, UZ Gent) formule une hypothèse quant à la formation de polypes nasaux: "Ils poussent aux endroits les plus vulnérables des sinus: à hauteur de l'os ethmoïde, dans le toit des sinus (donc entre les sinus et la base du crâne) et contre la lame papyracée, la fine paroi latérale du sinus ethmoïde, qui le sépare de l'orbite. C'est de là que vient l'hypothèse selon laquelle les polypes nasaux sont en fait un mécanisme de protection, étant donné leur abondant contenu en cellules immunitaires. On peut raisonnablement penser qu'à un moment donné, le mucus du nez et des sinus est endommagé par une forme d'agression, comme une infection virale en combinaison avec des facteurs environnementaux, par exemple des agents allergènes ou irritants au travail. C'est un premier niveau auquel une fragilité d'origine génétique peut jouer un rôle: cette fonction de barrière du nez ou des muqueuses sinusiennes n'est pas déréglée chez tout le monde. Quoi qu'il en soit, le corps réagit à cette agression en formant des polypes. Reste à savoir pourquoi ceux-ci ne disparaissent pas quand l'infection virale, pour ne citer qu'elle, est guérie. L'explication réside ici dans la coïncidence d'un deuxième niveau de prédisposition génétique et de certains facteurs d'entretien, dont une exposition professionnelle à des substances irritantes ou encore, au Staphylococcus aureus. Cette bactérie colonise les muqueuses de 30% de la population globale, mais ce taux atteint 60 à 80% chez les patients souffrant de polypose. Le staphylocoque entretiendrait l'inflammation du nez et des sinus et donc la présence de polypes."On peut poser le diagnostic de sinusite chronique en présence d'au moins deux des symptômes précités et si l'examen du nez fournit un tableau suggestif, constitué de muqueuses gonflées et d'une inflammation à hauteur de l'embouchure des sinus dans le nez. On peut examiner le nez par rhinoscopie antérieure mais l'endoscopie nasale est plus fiable. Si cette dernière laisse subsister un doute, l'imagerie peut éventuellement fournir plus d'informations. "Il est important de ne pas passer à côté du diagnostic", intervient le Pr Hellings. "Nous savons que beaucoup de patients atteints d'asthme et de BPCO souffrent également de rhinite chronique. Chez eux, le médecin ne doit pas se concentrer uniquement sur la problématique pulmonaire mais également penser à l'inflammation chronique des sinus s'ils présentent des symptômes suggestifs. La motivation est double: grâce à un traitement adéquat de la sinusite chronique, on soulage les symptômes qui y sont liés, tout en obtenant un meilleur contrôle de l'asthme et de la BPCO."Quand un patient fait part de symptômes suggérant une sinusite chronique, il faut l'interroger minutieusement sur son exposition professionnelle à des substances volatiles irritantes, en n'oubliant pas les allergies et les symptômes pouvant indiquer un asthme ou une BPCO. "Les patients ne savent pas toujours si une détresse respiratoire nocturne provient des voies respiratoires inférieures ou supérieures ou des deux", constate le Pr Gevaert. "Un examen de la fonction pulmonaire peut éventuellement s'avérer utile." Les tests d'allergie, s'ils n'ont pas déjà été effectués, font partie de l'examen. Quel est le rôle du bilan sanguin? "La sinusite chronique sans polypose s'accompagne souvent d'une réaction inflammatoire neutrophile (réponse inflammatoire de type 1), mais on observe souvent une augmentation des éosinophiles et de l'IgE (réponse inflammatoire de type 2) chez les patients souffrant de sinusite chronique avec polypose. Ces indices doivent donc inciter le médecin à penser aux polypes nasaux", poursuit le Pr Gevaert. "J'ajouterai encore que les patients ayant un taux élevé d'éosinophiles et d'IgE souffrent souvent d'un asthme à début tardif et/ou d'une hypersensibilité à l'aspirine. On peut parler de cluster." L'article suivant parle de la pertinence de ce point. "En première ligne, on ne recourt pas nécessairement au CT-scan, si ce n'est en présence de symptômes alarmants: violente céphalée unilatérale, fièvre, déficit neurologique ou symptômes oculaires", conclut le Pr Hox. "En deuxième ligne, on ne demande de CT-scan qu'en cas de doute sur le diagnostic ou chez les patients difficiles à traiter, pour lesquels on envisage une chirurgie."