...

Auparavant, la forme héréditaire de la cardiomyopathie ATTR était traitée par greffe hépatique. Aujourd'hui, nous disposons de stabilisateurs de la transthyrétine, qui empêchent le tétramère stable de se désintégrer en monomères labiles (voir article précédent). Deux molécules sont disponibles: le tafamidis et l'acoramidis. Une étude contrôlée par placebo menée en 2018 auprès d'environ 400 patients a montré que dans l'amylose ATTR, le tafamidis réduit significativement le risque d'hospitalisation pour cause cardiovasculaire, tout en augmentant significativement la survie [1]. C'était vrai pour les variantes à la fois héréditaires et de type sauvage. Fait remarquable et inexpliqué: les résultats étaient différents selon que les patients appartenaient à la classe NYHA I/II ou à la classe NYHA III. En termes de survie, le tafamidis a donné des résultats à peu près similaires dans les deux sous-groupes. Mais le risque d'hospitalisation pour raison cardiovasculaire était significativement plus faible sous placebo dans le sous-groupe NYHA classe III, alors qu'il était significativement plus faible sous tafamidis dans le sous-groupe NYHA classe I/II. "Cela explique pourquoi, pour l'instant, nous ne prescrivons le tafamidis qu'aux patients atteints d'amylose ATTR qui appartiennent à la classe NYHA I/II", souligne le Pr Van Cleemput. La même étude a également montré que les résultats du test de marche de 6 minutes et la qualité de vie se détérioraient nettement moins vite sous tafamidis que sous placebo. "Lorsque nous proposons un traitement par tafamidis, nous expliquons clairement au patient que ce traitement ne le guérira pas, mais qu'il ralentira le processus de la maladie", explique le cardiologue. L'acoramidis est un stabilisateur de TTR plus récent, au sujet duquel une étude de 2024 a montré des résultats similaires à ceux du tafamidis [2]. Des traitements encore plus récents, qui visent à arrêter la production de la transthyrétine aberrante dans l'amylose cardiaque liée à l'hATTR, sont disponibles ou en cours de développement. Il s'agit notamment du 'gene silencing', dans lequel l'ARNm n'est plus transcrit pour fabriquer la protéine, et du 'gene editing', dans lequel le gène codant pour la transthyrétine aberrante est directement supprimé à l'aide de la technique CRISPR-Cas9. Le Pr Van Cleemput explique comment le gène TTR peut être neutralisé à l'aide de la technique CRISPR-Cas9. Le traitement est délivré au foie à l'aide d'une nanoparticule lipidique. Celle-ci contient une séquence d'ARN complémentaire à la séquence d'ADN du gène TTR, appelée ARN guide. Le second composant de la nanoparticule est une molécule d'ARNm codant pour l'endonucléase Cas9, une enzyme capable de couper l'ADN. Après administration par voie intraveineuse, les nanoparticules sont absorbées et décomposées dans le foie. La production de l'endonucléase Cas9 est lancée et celle-ci se lie à l'ARN guide, le guidant jusqu'au noyau de la cellule, jusqu'à l'endroit où se trouve le gène TTR dans l'ADN. Cas9 coupe le gène. La cellule répare ensuite la continuité de la molécule d'ADN, mais comme la réparation est déficiente, la production de TTR diminue fortement. Chez les singes, on peut encore démontrer une diminution significative de la concentration de TTR dans le sang 12 mois après le traitement [3]. Ces résultats prometteurs ont depuis lors été confirmés dans un petit groupe de patients [4]. Une vaste étude est actuellement en cours pour évaluer si le traitement a un impact bénéfique sur la survie et le risque d'événements cardiovasculaires. Aucun argument ne permet de penser que les traitements susmentionnés peuvent éliminer l'amyloïde déjà accumulée dans les tissus, alors que le diagnostic n'est souvent posé qu'à un stade où il y a déjà une importante accumulation de dépôts amyloïdes. C'est pourquoi on développe actuellement des anticorps monoclonaux qui marquent l'amyloïde de manière à ce qu'elle soit localisée et détruite par le système immunitaire du patient. Chez certains patients, il a été démontré que lorsque ces anticorps sont utilisés, la fixation de l'isotope radioactif dans le myocarde (sur la scintigraphie osseuse) diminue de manière significative après quelques mois [5]. Une étude de phase 3 étudie actuellement le potentiel de cette approche. Dans la forme obstructive de la cardiomyopathie hypertrophique (CMHo), le septum interventriculaire s'épaissit considérablement, ce qui gêne l'éjection du sang du ventricule gauche vers l'aorte. Lorsque le patient fait un effort, le myocarde devient encore plus épais, la cavité ventriculaire plus petite et la voie d'éjection plus étroite. Le patient peut alors présenter une dyspnée disproportionnée, des douleurs thoraciques de type angor ou une syncope. Une CMHo peut être traitée par une ablation septale à l'alcool ou par une myomectomie septale. Entre-temps, des inhibiteurs de l'activité ATPasique de la myosine cardiaque sont également disponibles. Comment ces médicaments agissent-ils? Pour la contraction du myocarde, les myofilaments d'actine et de myosine doivent se lier entre elles. Pour réaliser ce couplage, l'énergie est libérée de l'ATP par la fonction ATPase de la myosine. L'inhibition de cette fonction par un inhibiteur de la myosine cardiaque diminue la contraction des fibres musculaires cardiaques. Ces inhibiteurs induisent donc un effet inotrope négatif. L'effet de ces médicaments sur l'éjection ventriculaire est mesuré à l'échocardiographie à l'aide du gradient de pression au niveau de la voie d'éjection du ventricule gauche (left ventricular outflow tract - LVOT), la zone du ventricule gauche située juste en dessous de la valve aortique. Plus l'obstruction est importante, plus le gradient est élevé. En Belgique, nous avons le mavacamten de la classe des inhibiteurs de l'ATPase cardiaque de la myosine. Une étude a montré chez des patients atteints de CMHo que le mavacamten réduisait significativement le gradient LVOT au repos par rapport au placebo (dans ce dernier groupe, le gradient n'a pas changé), et le ramenait à des valeurs normales [6]. Lorsque les patients atteints de CMHo effectuent une manoeuvre de Valsalva, l'éjection du sang du ventricule gauche est encore plus compromis: le retour veineux diminue, le volume télédiastolique dans le ventricule gauche diminue et la voie d'éjection se rétrécit. On a pu observer que, lors d'un manoeuvre de Valsalva, l'obstruction de la voie d'éjection disparait avec le mavacamten, mais pas avec le placebo [6]. Parallèlement, le mavacamten a entraîné une diminution significative des taux de NT-proBNP et de troponine. "Nous pouvons donc clairement constater que le myocarde est moins sollicité. Par ailleurs, au cours de l'étude, la mavacamten a également permis de réduire le nombre de patients appartenant aux classes NYHA-II ou NYHA-III, de plus en plus de patients se rapprochant de la classe NYHA-I. Cet effet était beaucoup moins observé dans le groupe placebo. En résumé, avant, les patients atteints de CMHo devaient subir une myomectomie, maintenant nous pouvons les aider avec un médicament. Actuellement, une étude sur le mavacamten est également en cours chez des patients atteints de cardiomyopathie hypertrophique non obstructive (CMHno). Nous espérons que le traitement sera tout aussi efficace dans ce groupe", conclut le Pr Van Cleemput.