Le traitement de la sinusite chronique est stratifié en trois lignes. Le traitement de première ligne peut être entamé quand on soupçonne une sinusite chronique, compte tenu des symptômes existants et des observations cliniques de base.
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Le traitement de première ligne commence par l'exclusion des facteurs déclencheurs, comme les infections virales et l'exposition à un air ambiant pollué ou à des substances irritantes. Parallèlement, les rinçages à l'aide de grandes quantités d'eau distillée et le recours régulier aux corticoïdes nasaux est recommandé. En cas d'allergie, on peut entamer un traitement antiallergique. "Les corticoïdes nasaux font l'objet de nombreux malentendus, tant de la part des patients que des médecins", remarque le Pr Valérie Hox (service ORL, Cliniques universitaires Saint-Luc). "Contrairement à ce qu'on pense trop souvent, l'utilisation à long terme de corticoïdes nasaux n'est pas dangereuse, car le principe actif ne pénètre guère dans la circulation sanguine. Ce traitement guérit les lésions provoquées par l'inflammation. En outre, il n'y a pas de risque de dépendance. Par contre, les dangers des décongestionnants, régulièrement prescrits en cas de refroidissement, sont réels, sous forme d'une dépendance, notamment."Si le traitement de première ligne ne permet pas un contrôle suffisant de la sinusite après six à huit semaines, il est préférable d'adresser le patient à un médecin ORL, pour un diagnostic plus précis, au moyen d'une endoscopie nasale ou, si celle-ci n'est pas possible, d'un CT-scan. "Les options de deuxième ligne comprennent les corticostéroïdes oraux, un traitement prolongé avec certains antibiotiques (prescrits dans ce cas pour leur action anti-inflammatoire plutôt que pour leurs propriétés antibactériennes) et la chirurgie", relate le Pr Philippe Gevaert (service ORL, UZ Gand). "L'intervention chirurgicale a pour but d'élargir l'accès aux sinus paranasaux afin de permettre aux corticoïdes locaux de mieux pénétrer dans ces structures. Un traitement de courte durée aux antibiotiques à large spectre n'est pas indiqué pour les soins de première ligne de la sinusite chronique."Il est difficile de prédire la réponse individuelle des patients à un traitement optimal. "C'est également le cas de la chirurgie des sinus", reconnaît le Pr Peter Hellings (service ORL, UZ Leuven). "Nous connaissons toutefois quelques facteurs qui ont un impact négatif sur le résultat du traitement, comme l'asthme, l'hypersensibilité à l'aspirine, l'exposition continue à des substances ambiantes irritantes et une immunodéficience humorale ou cellulaire."Si le traitement de deuxième ligne ne permet pas d'obtenir les résultats escomptés, le patient est adressé à un rhinologue - un médecin ORL spécialisé dans les pathologies du nez et des sinus. La chirurgie de révision constitue alors une option. Cependant, tous les patients victimes de récidive n'entrent pas en ligne de compte pour une opération, la récidive ne s'accompagnant pas toujours de symptômes. La chirurgie permet d'obtenir un assez bon contrôle des symptômes chez la moitié des patients, mais l'autre moitié a besoin de plusieurs interventions - parfois tous les deux ou trois ans. Depuis peu, les biomédicaments offrent une alternative à la répétition des opérations en cas de rhino-sinusite accompagnée de polypes. Nos trois interlocuteurs, qui peuvent être qualifiés de pionniers mondiaux en matière de nouveaux traitements, insistent sur ce point. "Chez les patients atteints de sinusite chronique avec polypes, les médicaments biologiques ont permis de réduire le nombre d'opérations de révision à une fraction de leur prévalence initiale. Souvent, ces biomédicaments obtiennent même de meilleurs résultats que la chirurgie. En d'autres termes, nous pouvons aider nos patients autrement et surtout mieux. Il ne faut pas sous-estimer la lourdeur d'une opération des sinus. Depuis que nous parlons de ces biomédicaments dans la presse, nous voyons des patients revenir en consultation. Il y a quelques décennies, certains étaient tellement frustrés par la répétition des opérations et des traitements aux corticoïdes oraux qu'ils avaient baissé les bras et décidé de supporter leurs symptômes. Ce qui implique une perte partielle ou totale de l'odorat et souvent du goût, une obstruction nasale, des céphalées et parfois une perte auditive, mais également une diminution de la qualité du sommeil et de la productivité au travail."Quel est le mode d'action de ces nouveaux médicaments? Le tissu des polypes nasaux contient souvent de fortes concentrations d'éosinophiles et d'IgE - les concentrations d'IgE y sont même beaucoup plus élevées que dans le sang. Les éosinophiles sont attirés dans le nez à partir du sang par l'interleukine 5 (IL-5). "C'est pour cela qu'à l'UZ Gand, dès 2001, nous avons commencé à administrer un traitement anti-IL-5 aux patients présentant des polypes", explique le Pr Gevaert. "Ensuite, il y a eu quelques nouvelles études sur le mepolizumab (Nucala®. Nous avons observé un effet positif chez 50% de nos patients, après une série d'injections. Depuis lors, le mepolizumab est un traitement reconnu des polyposes nasosinusiennes. Initialement, le traitement s'effectuait par voie intraveineuse mais désormais les patients peuvent procéder eux-mêmes à des injections sous-cutanées. Nous leur apprenons comment faire durant la consultation."Les concentrations élevées d'IgE constituent une deuxième cible. "Un taux élevé d'IgE n'indique pas nécessairement une allergie", précise le Pr Gevaert. "Le Pr Hellings et moi-même avons mené une étude académique qui consistait à administrer un traitement anti-IgE, l'omalizumab (Xolair® aux patients souffrant de polypes et d'un taux sanguin élevé d'IgE. Notre population comptait des patients allergiques et non allergiques. Nous avons constaté que les patients non allergiques répondaient aussi bien au traitement que les allergiques. Nous en avons conclu qu'un taux élevé d'IgE ne provenait pas d'une allergie. Il nous a fallu un certain temps pour convaincre le fabricant de mettre sur pied une étude internationale. Dirigée par moi-même, elle a fourni la preuve officielle de l'efficacité de l'omalizumab dans le traitement de la polypose nasosinusienne. Le médicament a un effet significatif sur les symptômes et la qualité de vie.""Le mepolizumab et l'omalizumab sont des traitements efficaces de polypes nasaux, mais le dupilumab (Dupixent® leur est supérieur. Il agit plus rapidement, avec 80 à 85% de réponses positives, contre 60 à 70% pour les deux autres molécules. Le dupilumab est un antagoniste d'une partie du récepteur IL-4 (présent dans les récepteurs IL-4- et IL-13), de façon qu'il agit plus en amont que le mepolizumab et l'omalizumab. Ce faisant, il freine à la fois l'acheminement des éosinophiles et la production d'IgE. Dans certains cas, les patients souffrant de gros polypes guérissent complètement en l'espace de quelques semaines. La Belgique rembourse le dupilumab dans le cadre du traitement des polypes nasaux depuis le 1er mars. Le coût du produit constitue un inconvénient: il faut compter environ 600 euros par injection, soit six fois plus que l'omalizumab. Or, il doit être injecté toutes les deux semaines.""Pour la prescription des biomédicaments, nous effectuons notre choix en fonction des critères de remboursement. Fait important, quelque 75% des patients poursuivent le traitement au-delà de six mois parce qu'ils en ressentent les effets positifs, tandis que nous, les médecins, constatons leur efficacité à partir de paramètres objectifs", ajoute le Pr Hellings. Les conditions de remboursement varient en fonction du produit, mais nous pouvons les résumer ainsi: · Les polypes nasaux doivent être bilatéraux ; · Le patient doit avoir déjà subi une opération ; · La récidive doit provoquer des symptômes, malgré un traitement local optimal. Les symptômes doivent être suffisamment sévères, ce qui est déterminé par le questionnaire SNOT22 ; · L'absence d'odorat ; · L'utilisation de corticoïdes systémiques les deux années précédentes pour tenter de contrôler les symptômes ; · Une inflammation de type 2 caractérisée par une augmentation des éosinophiles et de l'IgE dans le sang doit être démontrée, ou le patient doit souffrir d'asthme ; · Pour la poursuite du remboursement, il faut démontrer l'efficacité du médicament, toujours sur base du score des polypes et ou des symptômes. "La chirurgie reste donc le traitement primaire des polypes nasaux", conclut le Pr Gevaert. "Dans quelques années, peut-être pourrons-nous prescrire des biomédicaments sans opération préliminaire, une fois que leur prix aura diminué."