L'Organisation mondiale de la santé (OMS) considère la résistance aux antimicrobiens (RAM) comme une grave menace pour la santé publique mondiale. Chaque année, un million de personnes meurent de maladies infectieuses incurables et de 'superbactéries'. À l'avenir, la RAM pourrait même devenir plus mortelle que le cancer.
La mise au point de vaccins efficaces contre les microbes résistants est l'une des voies possibles pour inverser ce scénario. La prophylaxie ferait diminuer le nombre d'infections bactériennes, et donc l'utilisation d'antibiotiques ainsi que la résistance à ces traitements. De même, les vaccins ARNm multivalents, qui ciblent simultanément plusieurs antigènes, empêchent les pathogènes de développer des 'mutations d'échappement'.
Intracellulaire
Francis Impens est professeur au département de médecine biomoléculaire de l'UGent et dirige son propre laboratoire au Centre de biotechnologie médicale VIB-UGent. Son équipe collabore avec Ine Lentacker et Stefaan De Smet de la faculté de pharmacie. "Nous sommes spécialisés dans la 'découverte d'antigènes'. Nous déterminons exactement ce qu'il faut coder dans un vaccin pour qu'il protège contre un pathogène particulier. Nos collègues de la pharmacie procèdent ensuite à la formulation de ces vaccins", explique Francis Impens.
L'une des applications de niche visées par les chercheurs gantois est le développement de vaccins à ARNm contre les bactéries intracellulaires. Le mode de vie intracellulaire adapté de bactéries telles que Salmonella, Chlamydia et Listeria en fait des cibles difficiles pour les vaccins traditionnels. "Dans un vaccin traditionnel, l'antigène est injecté par voie intramusculaire [1]. En simplifiant, on peut dire que l'inoculation de cet (extrait d') antigène, souvent en combinaison avec un adjuvant pour augmenter la réponse immunitaire, conduit principalement à la production d'anticorps contre l'agent pathogène", précise-t-il.
Nous avons besoin de toute urgence de solutions alternatives pour lutter contre ces souches résistantes potentiellement mortelles.
Les vaccins contenant des antigènes activent donc principalement l'immunité humorale, que l'on peut évaluer par la détermination des anticorps. Une réponse cellulaire cytotoxique, avec production de lymphocytes T CD8+ spécifiques, est plus difficile à obtenir avec ces vaccins standards, alors que cette réponse immunitaire cellulaire est justement cruciale pour assurer une protection efficace contre les bactéries intracellulaires. Les vaccins codant pour l'antigène, tels que les vaccins à ARNm et les vaccins à vecteur viral, présentent l'avantage que l'antigène est fabriqué de manière intracellulaire, dans le cytosol de la cellule hôte. Le cycle de vie du microbe étant pour ainsi dire imité, les cellules T cytotoxiques sont activées [2].
Trois entités
Après une étude de faisabilité révolutionnaire [3], dans laquelle l'équipe de Francis Impens a réussi à induire une immunité protectrice contre Listeria monocytogenes à l'aide d'un vaccin à ARNm, les chercheurs ont obtenu un financement européen de neuf millions d'euros pour développer plus de vaccins [5]. "Listeria est une bactérie modèle qui ne peut être combattue que par une réponse cytotoxique des lymphocytes T. Les anticorps n'entrent pratiquement pas en jeu. Le fait que nous ayons pu induire une immunité contre la listériose par le biais d'une vaccination à l'ARNm est sans précédent. Cela ouvre des perspectives pour l'avenir, pour d'autres agents pathogènes problématiques que nous n'avons pas été en mesure d'aborder de manière préventive jusqu'à présent", rapporte Francis Impens.
Le laboratoire continue à s'investir maintenant dans le développement de vaccins à ARNm contre trois bactéries intracellulaires. Ces dernières présentent toutes une résistance (fortement) croissante aux antibiotiques actuellement disponibles et constituent un modèle pour un besoin médical plus large et non satisfait:
· Mycobacterium tuberculosis, plus précisément la variante multirésistante (MDR) de l'agent pathogène de la tuberculose. En raison du lourd tribut que réclame la maladie dans de nombreux pays à faible revenu, la tuberculose est, avec le paludisme et le VIH, en tête de la liste des priorités de l'OMS. La tuberculose MDR est aujourd'hui insensible aux deux antibiotiques les plus puissants (l'isoniazide et la rifampicine) et est devenue pratiquement incurable dans les régions endémiques d'Afrique et d'Inde. Avec la mondialisation, de tels germes se déplacent vers nos régions. La prophylaxie peut être une solution. En outre, un quart de la population mondiale est porteur latent du bacille de la tuberculose. Chez ces individus, les vaccins à ARNm devraient prévenir l'infection active.
· Mycobacterium ulcerans, la bactérie responsable de l'ulcère de Buruli: une maladie tropicale négligée qui peut affecter la peau et les os de manière permanente. Les 'maladies tropicales négligées' (MTN) sont un groupe diversifié de maladies infectieuses qui surviennent dans les zones (sub)tropicales et sont souvent associées à la pauvreté, à des conditions sanitaires inadéquates et à un accès limité aux soins de santé. Les MTN ont des conséquences chroniques et invalidantes pour plus d'un milliard de personnes dans le monde. La dengue, la schistosomiase et la maladie de Chagas en sont des exemples. Pour cette catégorie également, la vaccination peut constituer un tournant.
· Acinetobacter baumanii, l'un des pathogènes ESKAPE [4] : un groupe de bactéries très virulentes et résistantes aux antibiotiques. Le troisième pilier concerne ainsi les infections nosocomiales, les bactéries hospitalières. Acinetobacter baumanii est connu pour se développer de manière tenace sur de nombreux dispositifs médicaux, tels que les cathéters. Peu d'antibiotiques sont encore disponibles pour traiter les germes ESKAPE. Nous avons besoin de toute urgence de solutions alternatives pour lutter contre ces souches résistantes potentiellement mortelles. Combattrons-nous bientôt les infections nosocomiales à l'aide d'un vaccin?
Pour ces trois agents pathogènes, tout le pipeline de la recherche et du développement sera parcouru [5]. Pour Mycobacterium tuberculosis, cela se terminera par un essai clinique de phase I à l'UZ Gent. "La principale différence entre les virus et les pathogènes plus complexes est que la plupart des virus ne codent que pour une douzaine d'antigènes. La plupart du temps, on sait clairement lesquelles de ces protéines sont immunogènes - pour le MERS et le SRAS, nous savions qu'il fallait cibler la protéine spike", précise Francis Impens. "Avec les bactéries, mais aussi avec les parasites par exemple, on ne dispose pas de ces connaissances. La dernière génération de spectromètres de masse permet désormais d'obtenir de nouvelles informations."
Spectométrie de masse
"Les spectromètres de masse nous permettent d'identifier des protéines dans des échantillons biologiques complexes. Nous mesurons les peptides antigéniques, également appelés immunopeptides, et après quantification, nous déterminons quels peptides et protéines bactériens sont immunodominants, car ce sont de bons candidats pour le vaccin", explique Francis Impens. "L'idée de cette technique de 'découverte d'antigènes' n'est pas nouvelle, mais elle n'est devenue possible que ces dernières années, grâce à la sensibilité considérablement accrue des spectromètres de masse modernes." Ensuite, la séquence choisie est encodée dans un vaccin à ARNm incluant un adjuvant pour une stimulation immunitaire supplémentaire, et l'on passe aux études sur les souris.
"Nous sautons un grand nombre d'étapes par lesquelles il faut passer dans le développement classique d'un vaccin", ajoute le chercheur biomédical. Outre le fait que les vaccins codant pour des antigènes peuvent induire une forte réponse immunitaire cellulaire, les vaccins à ARNm sont donc relativement faciles à mettre au point. Pour cette raison, et aussi parce que leur utilisation est vraiment sûre, les vaccins à ARNm sont préférés aux vaccins à vecteur viral. En outre, il a été démontré qu'ils fonctionnent très bien. Un autre avantage est que ce type de vaccin peut constituer une solution pour les populations immunodéprimées, qui ne peuvent pas recevoir certaines vaccinations (comme les vaccins vivants atténués).
Autres pistes
La résistance aux antimicrobiens est le résultat d'années d'utilisation excessive et généralisée d'antibiotiques, non seulement dans les soins de santé, mais aussi dans le secteur agricole et l'industrie alimentaire. Les résidus d'antibiotiques se retrouvent dans les cultures vivrières, les denrées alimentaires et l'environnement. Que pouvons-nous faire d'autre contre ces bactéries qui déjouent de plus en plus les antibiotiques? "Le développement de nouveaux antibiotiques reste souhaitable. Le problème est que cela devient de moins en moins intéressant pour les entreprises pharmaceutiques, car ces produits ne seraient prescrits que dans des cas très exceptionnels", explique le spécialiste.
Il reste des pistes alternatives, comme la thérapie par les bactériophages. Les bactériophages sont de petits virus capables de tuer les bactéries. Les anticorps monoclonaux peuvent également offrir une protection contre des infections spécifiques. "Même si je vois personnellement un grand rôle pour les vaccins à ARNm", conclut Francis Impens.
alertait le radiologue en lui recommandant de vérifier l'examen de ce patient en priorité. "Aujourd'hui, ce système a évolué vers une version où nous obtenons également des informations diagnostiques", relève le spécialiste. "Si un patient arrive avec une embolie pulmonaire, une hémorragie cérébrale ou une fracture (vertébrale) à l'UZ Gent, nous en sommes immédiatement informés. Cela
[1] Sous la forme du micro-organisme (inactivé ou vivant atténué) lui-même, ou d'une macromolécule, par exemple une protéine spike ou une anatoxine.
[2] Via la présentation de protéines pathogènes sur des molécules CMH-I.
[3] Mayer RL, et al. Immunopeptidomics-based design of mRNA vaccine formulations against Listeria monocytogenes. Nat Commun 13, 6075 (2022).
[4] Acronyme pour Enterococcus faecium, Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae, Acinetobacter baumannii, Pseudomonas aeruginosa et Enterobacter spp.
[5] Vous trouverez plus d'infos sur le site internet du consortium européen: www.baxerna.eu.
La technologie de l'ARNm est désormais également utilisée pour les vaccins antitumoraux. Des études cliniques sur des patients atteints de cancer du poumon sont déjà en cours à l'UZ Gent, sous la direction des Prs Karim Vermaelen et Bart Vandekerckhove. Les protéines spécifiques à la tumeur, également appelées néo-antigènes, sont identifiées et des vaccins personnalisés sont créés. L'objectif est de permettre au patient de développer une réponse spécifique des lymphocytes T contre les cellules cancéreuses circulantes afin de prévenir les rechutes.
Objectifs d'apprentissage
La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec:
?? La résistance antimicrobienne comme moteur pour le développement de vaccins antibactériens à ARNm ;
?? Le développement de vaccins à ARNm contre des bactéries intracellulaires comme niche dans ce domaine ;
?? Les vaccins contenant un antigène versus codant pour un antigène dans l'induction de l'immunité à lymphocytes T ;
?? Le rôle central de l'immunité à lymphocytes T dans les infections par des bactéries intracellulaires ;
?? La spectrométrie de masse comme technique d'identification des protéines immunodominantes dans les bactéries ;
?? Quelques avantages spécifiques des vaccins à ARNm.