Le Dr Roland Lemye poursuit son voyage historique au coeur du système des accords médico-muts. Après un angle sur les dépenses, il se penche aujourd'hui sur l'éléphant de mer de la qualité, souvent prétexte à réduire la liberté thérapeutique du médecin et aussi les dépenses. Il réitère aussi sa critique du poids grandissant des mutuelles dans le système.
Objectif proclamé de tous les ministres des Affaires sociales : promouvoir la qualité, permettre le retour du coeur. Objectif réel : réduire la liberté thérapeutique et le libre choix du patient, organiser un rationnement implicite - moyen : accéder aux données médicales.
Jean-Luc Dehaene fût celui qui introduit la programmation des équipements lourds : le CT Scan en l'occurrence censé éviter leur surconsommation. Des arrêtés définissaient de manière plus ou moins arbitraire les hôpitaux qui y avaient droit. Le résultat n'en a pas été une économie mais des délais d'attente comblés par d'autres examens pas nécessairement utiles mais dont le coût augmentait la facture. La mesure frustrait les hôpitaux qui n'y avaient pas droit et détruisait la médecine de proximité tout en provoquant l'invasion des autoroutes transportant les malades d'un hôpital à un autre.
Ces mesures de programmation ne firent d'ailleurs que croître et embellir.
Magda de Galan introduisit les codes-barres. Après avoir promis juré qu'ils ne seraient pas utilisés sur une piste unique (nominative au point de vue patient et prescripteur) et ne servirait pas à sanctionner. Il n'a pas fallu six mois pour que la promesse (pourtant écrite) ne soit jetée aux oubliettes (chiffon de papier disait certain).
Dans la foulée du piétinement du secret professionnel, Laurette Onkelinx mit sur pied le système eHealth. Ce système devait permettre la communication entre médecins et était donc essentielle dans l'évolution de la prise en charge des patients. La tentation d'en profiter pour s'emparer des données de santé était trop forte cependant. Le système fut confié à Frank Robben déjà administrateur de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale et de la Smals, organe informatique de tous les cabinets ministériels.
Données nominatives
Loin d'être hermétique, le système devait permettre d'enregistrer des données (multiplication des registres). La communication entre médecins suppose que les données soient nominatives sinon elles ne serviraient à rien dans le cadre des soins. Certains registres exigent des données nominatives comme le registre du cancer. D'autres peuvent se contenter de données codées (qui ne sont pas des données anonymes et sont donc soumises à la directive européenne concernant les données à caractère personnel). Tous les enregistrements se font sur les serveurs de la Smals et peuvent donc être consultés par toutes les administrations et les organes autorisés comme les mutuelles. Le pseudocode est le numéro de registre national et permet aisément cette consultation. A une condition cependant, celle d'avoir l'autorisation de la Commission de la Vie privée. Ce serait acceptable si c'était une garantie, or le même Frank Robben est membre influent de cette commission. Il se signe des autorisations à lui-même.
Ce conflit d'intérêt évident n'ennuie pas nos autorités. La Ligue des Droits de Homme s'est joint à la Chambre syndicale du Hainaut-Namur et Brabant wallon pour introduire un recours au Conseil d'Etat qui ne trouva rien à redire sans doute du fait de son implication politique.
Cette même Ligue ne nous a pas suivis au recours à la Cour européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg plus encline à émettre un jugement défavorable à l'Ordre des Médecins qu'à l'Etat belge. Après cinq ans, un rappel nous a valu une réponse méprisante disant que la Cour des Droits de l'Homme traitait les plaintes par ordre de priorité.
Le Centre fédéral d'expertises (KCE) a été conçu par la députée libérale flamande, Mme Yolande Avontroodt. Son rôle était de rassembler les données autour d'une question politique pour aider le gouvernement. Il a tout de suite été dirigé par des hommes des mutuelles ou politiques et les réponses orientées sinon écrites avant toute recherche sérieuse. Ne faut-il pas rappeler que le chercheur de la Santé publique, Camille Javaux, a fait de la prison pour avoir tarifié au cabinet des enquêtes dont les conclusions étaient écrites d'avance selon les voeux du cabinet et les recettes partagées avec le même cabinet sinon le ministre lui-même. Le KCE donne maintenant l'impression d'être un outil puissant pour étayer les volontés du gouvernement et étouffer l'avis des médecins.
Caisses noires
En ce qui concerne nos partenaires, les mutuelles, on ne peut pas faire l'impasse sur leur comportement des années 80. Ce fût l'époque d'un détournement de fonds organisé qui leur conférait le pouvoir d'un Etat dans l'Etat. L'argent qu'elles recevaient de l'ONSS pour payer les hôpitaux et les tiers-payant était placé sur des comptes à terme d'environ six mois à du 14%. Les mêmes hôpitaux étaient contraints d'emprunter pour payer leurs factures à du 20% dans les mêmes banques qui étaient non seulement intéressées mais complices. Les intérêts de ces placements étaient versés sur des caisses noires non déclarées et servaient à financer des campagnes politiques sinon des journaux.
Un procès traîné en longueur leur permit d'échapper aux condamnations par prescription des faits. Seul Edmond Leburton, père de la loi, fut condamné au franc symbolique avec suspension du prononcé. Cette condamnation symbolique prouve seulement la réalité des faits.
Il n'empêche, qu'après une courte période de purgatoire, les mutuelles ont repris rapidement du poil de la bête et, dès l'année suivante, ont bénéficié d'une loi leur attribuant de nouvelles prérogatives.
C'est à ces mêmes mutuelles que le gouvernement confiait peu après une responsabilité financière pour laquelle elles recevaient d'ailleurs un financement.
Cette responsabilité n'était pas anodine car d'organisme de remboursement, elles devenaient par le fait même contrôleurs du bien-fondé des soins dispensés. C'est sur cette philosophie qu'elles ont basé leur théorie du coaching du patient.
La ministre De Block qui avait déclaré vouloir limiter le pouvoir des mutuelles a, au contraire, appuyé cette théorie dans un pacte avec ces dernières. Leur justification et leur raison d'être ne sont-elles pas de contenir l'activité médicale ? Plus elles démontrent y parvenir, plus le gouvernement leur fait confiance et elles s'y emploient.
Elles s'y emploient en revenant à chaque négociation d'accord sur les acquis de 1964 notamment l'engagement partiel dont elles veulent limiter les possibilités. Elles souhaitent aussi introduire une différence de remboursement entre les engagés et les non-engagés.
Les accords eux-mêmes qui sont des contrats ratifiés par le gouvernement et qui font l'objet d'une publication au Moniteur ne sont plus respectés. La ministre se permet d'imposer des économies en l'absence de dépassement budgétaire et en rupture totale avec les obligations contractuelles.
Dans ces conditions, devons-nous poursuivre ce système d'accords ? Des éléments de réponses vous seront proposés dans la suite de ces articles ...
Objectif proclamé de tous les ministres des Affaires sociales : promouvoir la qualité, permettre le retour du coeur. Objectif réel : réduire la liberté thérapeutique et le libre choix du patient, organiser un rationnement implicite - moyen : accéder aux données médicales.Jean-Luc Dehaene fût celui qui introduit la programmation des équipements lourds : le CT Scan en l'occurrence censé éviter leur surconsommation. Des arrêtés définissaient de manière plus ou moins arbitraire les hôpitaux qui y avaient droit. Le résultat n'en a pas été une économie mais des délais d'attente comblés par d'autres examens pas nécessairement utiles mais dont le coût augmentait la facture. La mesure frustrait les hôpitaux qui n'y avaient pas droit et détruisait la médecine de proximité tout en provoquant l'invasion des autoroutes transportant les malades d'un hôpital à un autre.Ces mesures de programmation ne firent d'ailleurs que croître et embellir.Magda de Galan introduisit les codes-barres. Après avoir promis juré qu'ils ne seraient pas utilisés sur une piste unique (nominative au point de vue patient et prescripteur) et ne servirait pas à sanctionner. Il n'a pas fallu six mois pour que la promesse (pourtant écrite) ne soit jetée aux oubliettes (chiffon de papier disait certain).Dans la foulée du piétinement du secret professionnel, Laurette Onkelinx mit sur pied le système eHealth. Ce système devait permettre la communication entre médecins et était donc essentielle dans l'évolution de la prise en charge des patients. La tentation d'en profiter pour s'emparer des données de santé était trop forte cependant. Le système fut confié à Frank Robben déjà administrateur de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale et de la Smals, organe informatique de tous les cabinets ministériels.Loin d'être hermétique, le système devait permettre d'enregistrer des données (multiplication des registres). La communication entre médecins suppose que les données soient nominatives sinon elles ne serviraient à rien dans le cadre des soins. Certains registres exigent des données nominatives comme le registre du cancer. D'autres peuvent se contenter de données codées (qui ne sont pas des données anonymes et sont donc soumises à la directive européenne concernant les données à caractère personnel). Tous les enregistrements se font sur les serveurs de la Smals et peuvent donc être consultés par toutes les administrations et les organes autorisés comme les mutuelles. Le pseudocode est le numéro de registre national et permet aisément cette consultation. A une condition cependant, celle d'avoir l'autorisation de la Commission de la Vie privée. Ce serait acceptable si c'était une garantie, or le même Frank Robben est membre influent de cette commission. Il se signe des autorisations à lui-même.Ce conflit d'intérêt évident n'ennuie pas nos autorités. La Ligue des Droits de Homme s'est joint à la Chambre syndicale du Hainaut-Namur et Brabant wallon pour introduire un recours au Conseil d'Etat qui ne trouva rien à redire sans doute du fait de son implication politique.Cette même Ligue ne nous a pas suivis au recours à la Cour européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg plus encline à émettre un jugement défavorable à l'Ordre des Médecins qu'à l'Etat belge. Après cinq ans, un rappel nous a valu une réponse méprisante disant que la Cour des Droits de l'Homme traitait les plaintes par ordre de priorité.Le Centre fédéral d'expertises (KCE) a été conçu par la députée libérale flamande, Mme Yolande Avontroodt. Son rôle était de rassembler les données autour d'une question politique pour aider le gouvernement. Il a tout de suite été dirigé par des hommes des mutuelles ou politiques et les réponses orientées sinon écrites avant toute recherche sérieuse. Ne faut-il pas rappeler que le chercheur de la Santé publique, Camille Javaux, a fait de la prison pour avoir tarifié au cabinet des enquêtes dont les conclusions étaient écrites d'avance selon les voeux du cabinet et les recettes partagées avec le même cabinet sinon le ministre lui-même. Le KCE donne maintenant l'impression d'être un outil puissant pour étayer les volontés du gouvernement et étouffer l'avis des médecins.En ce qui concerne nos partenaires, les mutuelles, on ne peut pas faire l'impasse sur leur comportement des années 80. Ce fût l'époque d'un détournement de fonds organisé qui leur conférait le pouvoir d'un Etat dans l'Etat. L'argent qu'elles recevaient de l'ONSS pour payer les hôpitaux et les tiers-payant était placé sur des comptes à terme d'environ six mois à du 14%. Les mêmes hôpitaux étaient contraints d'emprunter pour payer leurs factures à du 20% dans les mêmes banques qui étaient non seulement intéressées mais complices. Les intérêts de ces placements étaient versés sur des caisses noires non déclarées et servaient à financer des campagnes politiques sinon des journaux.Un procès traîné en longueur leur permit d'échapper aux condamnations par prescription des faits. Seul Edmond Leburton, père de la loi, fut condamné au franc symbolique avec suspension du prononcé. Cette condamnation symbolique prouve seulement la réalité des faits.Il n'empêche, qu'après une courte période de purgatoire, les mutuelles ont repris rapidement du poil de la bête et, dès l'année suivante, ont bénéficié d'une loi leur attribuant de nouvelles prérogatives.C'est à ces mêmes mutuelles que le gouvernement confiait peu après une responsabilité financière pour laquelle elles recevaient d'ailleurs un financement.Cette responsabilité n'était pas anodine car d'organisme de remboursement, elles devenaient par le fait même contrôleurs du bien-fondé des soins dispensés. C'est sur cette philosophie qu'elles ont basé leur théorie du coaching du patient.La ministre De Block qui avait déclaré vouloir limiter le pouvoir des mutuelles a, au contraire, appuyé cette théorie dans un pacte avec ces dernières. Leur justification et leur raison d'être ne sont-elles pas de contenir l'activité médicale ? Plus elles démontrent y parvenir, plus le gouvernement leur fait confiance et elles s'y emploient.Elles s'y emploient en revenant à chaque négociation d'accord sur les acquis de 1964 notamment l'engagement partiel dont elles veulent limiter les possibilités. Elles souhaitent aussi introduire une différence de remboursement entre les engagés et les non-engagés. Les accords eux-mêmes qui sont des contrats ratifiés par le gouvernement et qui font l'objet d'une publication au Moniteur ne sont plus respectés. La ministre se permet d'imposer des économies en l'absence de dépassement budgétaire et en rupture totale avec les obligations contractuelles.Dans ces conditions, devons-nous poursuivre ce système d'accords ? Des éléments de réponses vous seront proposés dans la suite de ces articles ...