La politique de retour au travail (ReAT) suscite des critiques de la part du GBO/Cartel, qui dénonce une réforme davantage fondée sur la suspicion que sur la confiance. "Derrière les déclarations d'intentions louables du ministre de la Santé, certaines dispositions légales destinées à encadrer la politique de retour au travail laissent à penser que le gouvernement Arizona semble vouloir surtout mettre en oeuvre une politique de suspicion, de contrôle et de sanction, tant envers les patients qu'envers les médecins", explique le syndicat dans un communiqué.
Une politique qui tourne le dos à la prévention
Ce qui frappe le plus, selon le GBO/Cartel, c'est le décalage entre le discours préventif et les outils choisis. Le syndicat s'interroge : où sont les mesures concrètes visant à améliorer les conditions de travail, alors même que ce sont elles qui causent, en grande partie, les maladies de longue durée ? Troubles musculosquelettiques, burn-out, dépression, anxiété : autant de pathologies liées à des environnements professionnels dégradés, pour lesquels aucune mesure structurelle n'est avancée. "Où sont les politiques de prévention ? Où est le soutien aux entreprises pour créer des environnements de travail sains, respectueux et favorables à la santé mentale et physique ?", questionne ainsi le syndicat.
Dans sa prise de position, le GBO/Cartel reproche au gouvernement de se tromper de cible : les effets sont traités, mais non les causes. "Force est de constater que les mesures fortes annoncées misent sur un effet d'annonce pour s'attaquer au mal... sans s'attaquer aux causes du mal." Le syndicat dénonce une réforme qui, au lieu de renforcer une politique de santé publique, prend la forme d'un arsenal répressif contre les "profiteurs" et les médecins jugés "complaisants". "Ce n'est pas en menaçant et en stigmatisant que l'on fera revenir durablement les travailleurs malades sur le chemin de l'emploi."
Les médecins dans le viseur : surveillance algorithmique et plaintes patronales
La réforme entérine également la création d'un "point de contact pour les employeurs qui pensent que des médecins délivrent des certificats frauduleux". Une initiative que le GBO assimile à une incitation à la délation. La mesure, en apparence anodine, pourrait profondément altérer la relation de confiance entre les médecins et leurs patients. "La dénonciation et la délation, procédés sordides en usage sous des régimes très éloignés des démocraties et porteurs en eux-mêmes de beaucoup d'injustices, risquent de décrédibiliser et de pénaliser des médecins soucieux d'exercer leur art dans le respect des règles d'éthique et de déontologie."
Parallèlement, le gouvernement prévoit d'identifier, via des techniques de data mining, les médecins dits outliers : ceux qui établissent un nombre jugé excessif de certificats ou pour des durées "anormalement longues". Ces professionnels seront convoqués pour s'expliquer, et des sanctions financières sont d'ores et déjà évoquées s'ils ne modifient pas leur comportement. Le GBO s'insurge contre cette approche purement quantitative, qui ne tient pas compte des réalités du terrain. "Le risque est grand d'un désengagement de ces prestataires vis-à-vis de ces patients en grandes difficultés et d'une perte de confiance des patients dans des prestataires mis en porte-à-faux vis-à-vis d'eux."
Certifier l'aptitude : une charge impossible pour les généralistes
Parmi les mesures emblématiques de cette réforme, figure l'idée de demander aux généralistes de ne plus se limiter à constater l'incapacité de travail, mais de certifier les capacités restantes, voire l'aptitude à un travail adapté. Un glissement qui inquiète la profession, à la fois sur le plan éthique et opérationnel.
"Imposer au médecin traitant de passer d'un certificat d'incapacité de travail à un certificat d'aptitude est un voeu pieux, qui sera difficile à mettre en oeuvre car, outre le fait que les possibilités d'aménagement sont rares ou inexistantes dans les entreprises, le médecin traitant ne dispose pas des informations pourtant indispensables pour lui permettre de déterminer les tâches qu'un travailleur pourrait encore effectuer", soutient le GBO/Cartel.
Si le syndicat accepte de renforcer les formations médicales sur la responsabilité sociétale du médecin - notamment en matière de certification - il pointe le manque criant d'outils adaptés. La plateforme TRIO, censée permettre un dialogue tripartite entre médecin traitant, médecin du travail et médecin-conseil, reste encore largement théorique. Elle ne sera opérationnelle que pour les généralistes dans un premier temps. Et surtout, aucune rémunération spécifique n'est prévue pour ces échanges pourtant chronophages. "Aurons-nous les moyens de la politique voulue par le gouvernement ?"
Un outil numérique bienvenu, mais instrumentalisé
L'obligation, à partir du 1er juillet 2025, de délivrer tous les certificats médicaux sous forme électronique pourrait être un progrès - à condition qu'il serve les soins plutôt que les algorithmes. C'est là que le bât blesse, selon le GBO : le numérique devient ici un levier de contrôle plus qu'un soutien à la qualité des soins.
La numérisation systématique permet en effet d'alimenter les bases de données qui seront scrutées pour détecter les praticiens déviants. Mais le syndicat s'interroge sur la capacité réelle de l'administration à encadrer ces analyses : le Service d'évaluation et de contrôle médical est déjà surchargé, et les critères d'alerte restent flous.
Le GBO craint que les médecins exerçant dans les quartiers populaires ou les zones rurales, confrontés à des patients plus précaires et donc plus vulnérables à la maladie, ne soient les premières cibles du système. Ce biais social de la détection algorithmique, s'il est avéré, risque de fragiliser encore davantage les pratiques en première ligne.
Dialogue inexistant, réforme imposée : un constat récurrent
Au-delà du contenu, c'est la méthode qui fait grincer. Le GBO/Cartel rappelle que ni les syndicats médicaux, ni les sociétés scientifiques n'ont été consultés. Une réforme imposée sans concertation, dans un domaine aussi sensible que la santé au travail, laisse selon lui présager de nombreuses difficultés de mise en oeuvre.
"Force est de constater que, une fois de plus, il s'agit d'une réforme top-down imposée sans dialogue préalable avec les représentants des médecins, pourtant directement concernés."
Le syndicat ne se contente toutefois pas de dénoncer. Il se dit disponible pour réfléchir à des solutions équilibrées avec le cabinet Vandenbroucke. Une politique de retour au travail concertée, humaine et centrée sur les causes profondes de l'absentéisme est, selon lui, encore possible. Mais elle suppose un vrai changement de cap.
À lire en complément : notre article du 14 avril sur les implications techniques de la réforme, notamment sur la traçabilité des certificats médicaux et la mise en place de la base de données nationale. "Contrôle des certificats médicaux : vers la fin d'un tabou ?"