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Il s'est passé quelque chose cet été?", interroge ironiquement une petite étude de BNP Paribas. En soulignant que, à la mi-août, les indices boursiers se situaient quasiment au même niveau qu'à la fin juillet. Entretemps, cependant... C'est le lundi 5 août que la terre tremble: mesurée par l'indice Standard & Poors 500, la bourse américaine perd 3%. Il serait excessif d'évoquer un mini-krach, mais c'est quand même beaucoup sur une journée. D'autant que l'indice est alors en recul de 6% en trois jours. Un tel affaissement s'observe aussi en Europe. Que s'est-il passé? Simplement les chiffres de création d'emplois aux États-Unis, pour le mois de juillet, sont-ils très inférieurs aux prévisions. De son côté, le taux de chômage progresse à 4,3%, alors qu'on l'attendait stable à 4,1%. Du coup, panique à bord: les États-Unis se dirigent-ils vers une récession? Cette réaction semble un peu ridicule: voilà de longs mois que les investisseurs guettent des signes bien concrets de baisse de l'inflation. Ou, plus précisément, de confirmation que la tendance baissière de l'inflation, déjà bien en cours, va se poursuivre. Or pour que l'inflation baisse, il faut en principe que l'activité économique ralentisse. Outre-Atlantique, c'était surtout le marché de l'emploi qui posait problème, avec un chômage faible et, conséquence logique, des salaires en progrès sensible. Dès lors, ces données concernant l'emploi et le chômage ne constituent-elles pas une bonne nouvelle? C'est l'évidence même et Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine (Fed), alla dans ce sens dans son très attendu discours du 23 août. En précisant, ce qui est effectivement important, que l'augmentation du taux de chômage ne résultait pas de licenciements massifs, mais d'un nombre accru de personnes se présentant sur le marché du travail. Dans la foulée, il a indiqué que l'inflation semblait sous contrôle et qu'il abaisserait en principe les taux d'intérêt en septembre. Comme en Europe, l'inflation a, depuis, confirmé son reflux aux États-Unis: elle est revenue de 3 à 2,9% en juillet. Tout baigne donc pour une baisse de taux le 18 septembre! Autrement plus significative est la chute de tension affichée à la fin juillet et au début août par les "sept magnifiques", soit Alphabet (maison-mère de Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook, Instagram, WattsApp), Microsoft, Nvidia et Tesla. Ces entreprises pèsent très lourd et leur envol propulse la bourse américaine de record en record depuis l'an dernier. Au début de l'été par contre, elles ont franchement entraîné le marché à la baisse ; globalement, elles ont en effet perdu pas moins de 18% en quatre semaines. Pourquoi ce soudain retour de manivelle? Les résultats annoncés par ces entreprises n'ont pas vraiment déçu, mais les analystes financiers ont visiblement eu leur attention attirée par les investissements qu'elles réalisent dès aujourd'hui et prévoient de prolonger durant les prochaines années, en particulier dans l'intelligence artificielle: ils sont colossaux! Certes, l'IA est de l'avis général promise à un bel avenir mais, en attendant, le seul vrai gagnant est aujourd'hui Nvidia, dont les puces s'arrachent. Les autres ténors technologiques profiteront-il vraiment, dans le futur, des sommes colossales dépensées pour l'IA? Les investissements totaux de Microsoft devraient ainsi atteindre plus de 60 milliards de dollars dès 2025, soit le double de l'an dernier. Un léger doute s'est visiblement installé, de sorte que les investisseurs sont tout simplement passés en mode "on se calme". Le repli brutal des valeurs technologiques rappelle que le marché est toujours susceptible de se dire soudain: attention, les arbres ne grimpent pas jusqu'au ciel! Cette attitude est impossible à prévoir, car son catalyseur peut être tant une information très importante qu'un incident insignifiant. Beaucoup dépend en fait de l'humeur des intervenants... On aurait toutefois tort de s'arrêter là. Visiblement, les investisseurs se sont aussi dit "et si on passait à autre chose?". C'est un phénomène récurrent sur les marchés, où l'on observe en effet des modes. Elles sont parfois évidentes: la hausse des valeurs pétrolières quand le prix du brut flambe, ou encore l'envolée des valeurs de défense (lisez: des fabricants d'armes) suite à la guerre en Ukraine. Sans oublier l'engouement pour les entreprises liées à l'intelligence artificielle après le lancement de Chat GTP. Les raisons de cette rotation sectorielle, ainsi qu'on appelle ce phénomène, sont parfois moins claires, ou plus diverses. Dans le cas présent, les analystes financiers et investisseurs professionnels ont clairement raisonné en fonction de la baisse attendue des taux d'intérêt. Qui va en profiter? La plupart des entreprises, car elles ont besoin d'emprunter pour financer leurs investissements. Et pas les divas de la technologie, qui disposent d'une tirelire bien garnie. Dans leurs choix d'investissement, ils sont donc passés des sept magnifiques aux... 493 autres actions composant l'indice américain S&P 500. Il ne s'agit donc pas vraiment d'une rotation sectorielle, mais d'un mouvement beaucoup plus large. Avec un accent particulier mis sur les moyennes et petites capitalisations évoquées ici en mai dernier.