Le cholestérol LDL étant l'une des causes établies de l'athérosclérose, diminuer notablement le taux de LDL-C permet de réduire le risque cardiovasculaire. "Chaque réduction additionnelle de 40 mg/dL entraîne une réduction de 20% des maladies cardiovasculaires athérosclérotiques", rappelle le Pr Olivier Descamps, endocrinologue et président du Belgian Lipid Club. "Et il n'y a pas de limite inférieure: le LDL-C n'est jamais trop bas!"

Quel taux viser?

Les taux cibles dépendent du niveau de risque du patient (voir tableau). Les recommandations actuelles ciblent un taux de LDL-C inférieur à 70 mg/dL et une réduction d'au moins 50% par rapport au taux initial pour les patients à haut risque. En effet, des études ont démontré que c'est sous ce seuil que l'on peut espérer une certaine régression des plaques d'athérome. "Si le cholestérol baisse suffisamment, l'athérome se "désenflamme", cicatrise et devient fibreux", explique le Pr Descamps. "Une couche dure se forme alors, qui "plastifie" en quelque sorte l'athérome. La plaque ainsi durcie devient plus stable, plus solide et ne se rompra plus."

Pour les patients à très haut risque, il faut plutôt viser un taux de LDL inférieur à 55 mg/dL. "Il existe également une sous-catégorie de patients à risque extrêmement élevé", poursuit l'endocrinologue. "Il s'agit de personnes ayant fait un évènement cardiovasculaire dans l'année, malgré un traitement par statines et un LDL-C déjà inférieur à 70 mg/dL. Pour celles-ci, on peut essayer de descendre sous les 40 mg/dL. En Belgique, nombre de médecins rechignent à viser de telles valeurs, car elles impliquent une médication accrue sur des patients qui, souvent, sont déjà "polymédiqués". Or, dans la plupart des cas, cela vaut la peine d'essayer."

Stratégies thérapeutiques

Pour ce faire, outre les mesures hygiénodiététiques - valables pour tout le monde, quel que soit leur niveau de risque - plusieurs stratégies médicamenteuses sont envisageables. "Pour les patients à (très) haut risque, il faut toujours commencer par une statine à haute intensité - de l'atorvastatine 40 ou 80 mg/jour ou de la rosuvastatine 20 ou 40 mg/jour, par exemple", rappelle le Pr Descamps. "La réponse est très variable d'un patient à l'autre. Il convient donc de mesurer le LDL-C quatre à six semaines après le début du traitement. Si les patients restent à plus de 100 mg/dL avec un évènement cardiaque récent ou plus de 130 mg/dL, on peut ajouter l'ézétimibe pour approcher la cible. Les inhibiteurs du PCSK9, très puissants, ne sont remboursés en Belgique qu'en cas d'hypercholestérolémie familiale."

Notons qu'un patient sur cinq se plaint d'un syndrome musculaire lié aux statines, "un phénomène mystérieux", selon le Pr Descamps. "En effet, il n'y a pas de lésion musculaire et ces myalgies, généralement situées dans les gros muscles des cuisses, disparaissent spontanément à l'arrêt du traitement. Sans nier le ressenti du patient, il y a peut-être un effet nocébo dans ce phénomène, abondamment relayé par les médias auprès du grand public. Quoi qu'il en soit, au lieu de laisser le patient abandonner tout traitement, il peut être utile d'en discuter avec lui, de suspendre les statines quelques semaines, d'en changer, voire d'envisager d'autres molécules. À cet égard, l'acide bempédoïque peut être une piste."

Que peut-on attendre de l'acide bempédoïque?

Cet inhibiteur de l'ATP-citrate lyase - une enzyme intervenant dans la synthèse hépatique du cholestérol - vient d'être admise au remboursement pour le traitement de l'hypercholestérolémie primaire et de la dyslipidémie mixte de l'adulte, en association ou non avec une statine et/ou d'autres hypolipidémiants. L'acide bempédoïque est commercialisé en monopréparation (Nilembo®) ou en association avec l'ézétimibe (Nustendi®). Il est indiqué en cas d'intolérance ou de contre-indication aux statines et/ou chez les patients chez qui l'on vise une diminution plus prononcée du LDL-cholestérol.

"L'acide bempédoïque seul ne permet pas d'atteindre les valeurs cibles puisque, en monothérapie, il n'abaisse le LDL-C que de 18%1 après trois mois", prévient le Pr Descamps. "Mais si vous l'associez à une dose tolérée de statine, vous ajoutez d'autant à la baisse du LDL-C. Associé à l'ézétimibe, la réduction atteint 36%2. Et l'acide bempédoïque est globalement bien toléré. Certes, il peut parfois augmenter l'acide urique (+0,8 mg/dL), mais hormis chez les goutteux connus, ce n'est pas inquiétant. On surveillera aussi les enzymes hépatiques (parfois légèrement élevée) et la créatinine qui peut augmenter aussi (+0,05 mg/dL), mais seulement en raison d'une moindre excrétion spécifique tubulaire, donc plutôt artéfactuelle. Il fait juste le savoir pour ne pas s'inquièter."

Comme le souligne le Centre belge d'information pharmacothérapeutique (CBIP), "l'acide bempédoïque n'a pas encore été évalué sur des critères forts (décès et évènements cardiovasculaires)." Raison pour laquelle son arrivée n'a pas (encore) modifié les recommandations en matière d'hypercholestérolémie, puisque celles-ci sont basées sur les effets sur la mortalité et les évènements cardiovasculaires. "Les études génétiques constituent toutefois un élément rassurant et prometteur", commente le Pr Descamps. "En effet, les variants qui miment l'acide bempédoïque se comportent comme les variants mimant les effets des autres médicaments anticholestérol et sont associés à une moindre incidence des maladies cardiovasculaires chez les personnes porteuses. Quantitativement, ces études génétiques semblent corroborer les essais cliniques qui ont déjà été faits sur l'acide bempédoïque. Mais, le cas échéant, seuls le temps et le recul nous confirmeront ses bénéfices réels sur le risque cardiovasculaire."

1. Ray et al., NEJM 2019 ; 380: 1022-32

2. Ballantyne et al., Eur J Prevent Cardiol 2020 ; 27: 593-603.

Le cholestérol LDL étant l'une des causes établies de l'athérosclérose, diminuer notablement le taux de LDL-C permet de réduire le risque cardiovasculaire. "Chaque réduction additionnelle de 40 mg/dL entraîne une réduction de 20% des maladies cardiovasculaires athérosclérotiques", rappelle le Pr Olivier Descamps, endocrinologue et président du Belgian Lipid Club. "Et il n'y a pas de limite inférieure: le LDL-C n'est jamais trop bas!"Les taux cibles dépendent du niveau de risque du patient (voir tableau). Les recommandations actuelles ciblent un taux de LDL-C inférieur à 70 mg/dL et une réduction d'au moins 50% par rapport au taux initial pour les patients à haut risque. En effet, des études ont démontré que c'est sous ce seuil que l'on peut espérer une certaine régression des plaques d'athérome. "Si le cholestérol baisse suffisamment, l'athérome se "désenflamme", cicatrise et devient fibreux", explique le Pr Descamps. "Une couche dure se forme alors, qui "plastifie" en quelque sorte l'athérome. La plaque ainsi durcie devient plus stable, plus solide et ne se rompra plus." Pour les patients à très haut risque, il faut plutôt viser un taux de LDL inférieur à 55 mg/dL. "Il existe également une sous-catégorie de patients à risque extrêmement élevé", poursuit l'endocrinologue. "Il s'agit de personnes ayant fait un évènement cardiovasculaire dans l'année, malgré un traitement par statines et un LDL-C déjà inférieur à 70 mg/dL. Pour celles-ci, on peut essayer de descendre sous les 40 mg/dL. En Belgique, nombre de médecins rechignent à viser de telles valeurs, car elles impliquent une médication accrue sur des patients qui, souvent, sont déjà "polymédiqués". Or, dans la plupart des cas, cela vaut la peine d'essayer." Pour ce faire, outre les mesures hygiénodiététiques - valables pour tout le monde, quel que soit leur niveau de risque - plusieurs stratégies médicamenteuses sont envisageables. "Pour les patients à (très) haut risque, il faut toujours commencer par une statine à haute intensité - de l'atorvastatine 40 ou 80 mg/jour ou de la rosuvastatine 20 ou 40 mg/jour, par exemple", rappelle le Pr Descamps. "La réponse est très variable d'un patient à l'autre. Il convient donc de mesurer le LDL-C quatre à six semaines après le début du traitement. Si les patients restent à plus de 100 mg/dL avec un évènement cardiaque récent ou plus de 130 mg/dL, on peut ajouter l'ézétimibe pour approcher la cible. Les inhibiteurs du PCSK9, très puissants, ne sont remboursés en Belgique qu'en cas d'hypercholestérolémie familiale."Notons qu'un patient sur cinq se plaint d'un syndrome musculaire lié aux statines, "un phénomène mystérieux", selon le Pr Descamps. "En effet, il n'y a pas de lésion musculaire et ces myalgies, généralement situées dans les gros muscles des cuisses, disparaissent spontanément à l'arrêt du traitement. Sans nier le ressenti du patient, il y a peut-être un effet nocébo dans ce phénomène, abondamment relayé par les médias auprès du grand public. Quoi qu'il en soit, au lieu de laisser le patient abandonner tout traitement, il peut être utile d'en discuter avec lui, de suspendre les statines quelques semaines, d'en changer, voire d'envisager d'autres molécules. À cet égard, l'acide bempédoïque peut être une piste."Cet inhibiteur de l'ATP-citrate lyase - une enzyme intervenant dans la synthèse hépatique du cholestérol - vient d'être admise au remboursement pour le traitement de l'hypercholestérolémie primaire et de la dyslipidémie mixte de l'adulte, en association ou non avec une statine et/ou d'autres hypolipidémiants. L'acide bempédoïque est commercialisé en monopréparation (Nilembo®) ou en association avec l'ézétimibe (Nustendi®). Il est indiqué en cas d'intolérance ou de contre-indication aux statines et/ou chez les patients chez qui l'on vise une diminution plus prononcée du LDL-cholestérol. "L'acide bempédoïque seul ne permet pas d'atteindre les valeurs cibles puisque, en monothérapie, il n'abaisse le LDL-C que de 18%1 après trois mois", prévient le Pr Descamps. "Mais si vous l'associez à une dose tolérée de statine, vous ajoutez d'autant à la baisse du LDL-C. Associé à l'ézétimibe, la réduction atteint 36%2. Et l'acide bempédoïque est globalement bien toléré. Certes, il peut parfois augmenter l'acide urique (+0,8 mg/dL), mais hormis chez les goutteux connus, ce n'est pas inquiétant. On surveillera aussi les enzymes hépatiques (parfois légèrement élevée) et la créatinine qui peut augmenter aussi (+0,05 mg/dL), mais seulement en raison d'une moindre excrétion spécifique tubulaire, donc plutôt artéfactuelle. Il fait juste le savoir pour ne pas s'inquièter." Comme le souligne le Centre belge d'information pharmacothérapeutique (CBIP), "l'acide bempédoïque n'a pas encore été évalué sur des critères forts (décès et évènements cardiovasculaires)." Raison pour laquelle son arrivée n'a pas (encore) modifié les recommandations en matière d'hypercholestérolémie, puisque celles-ci sont basées sur les effets sur la mortalité et les évènements cardiovasculaires. "Les études génétiques constituent toutefois un élément rassurant et prometteur", commente le Pr Descamps. "En effet, les variants qui miment l'acide bempédoïque se comportent comme les variants mimant les effets des autres médicaments anticholestérol et sont associés à une moindre incidence des maladies cardiovasculaires chez les personnes porteuses. Quantitativement, ces études génétiques semblent corroborer les essais cliniques qui ont déjà été faits sur l'acide bempédoïque. Mais, le cas échéant, seuls le temps et le recul nous confirmeront ses bénéfices réels sur le risque cardiovasculaire."