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Dans une atmosphère de ferveur pour l'art et de recueillement pour l'aspect religieux, l'exposition est le fruit d'une réflexion entamée dans un colloque organisé à l'UCL, lequel s'interrogeait sur l'influence de l'art sur le rituel et du rituel pour l'art. Avec pour résultat de cette réunion d'historiens... de l'art, des religions, de théologiens et d'anthropologue cette proposition dont le commissariat a été confié à une anthropologue Anne-Marie Vuillemenot et à Caroline Heering, docteur en Histoire de l'art également à Louvain et qui travaille par ailleurs à l'IRPA (Institut Royal du Patrimoine Artistique). Lesquelles ont principalement été pêcher (et pas pécher) dans les réserves du musée (sorte de tabernacle révélant des trésors), notamment la donation du Professeur Robert Steichen (interviewé dans ces pages il y quelques années), et obtenus des prêts notamment du Mas d'Anvers, de l'Africa Museum de Tervuren ou des Musées royaux des Beaux-Arts. Les commissaires ont conçu neuf "stations" ou cubes renfermant des objets issus de diverses cultures et religions. La vitrine introductive rappelle l'enjeu du thème de l'exposition présentant d'un côté cinq objets d'une beauté et facture remarquables dont un Livre d'Heures, un masque Kuba funéraire du Congo ou un bouddha Vajradhara du Tibet. Côté pile, seules leurs qualités esthétiques tiennent lieu de discours ; de l'autre un cartel plus anthropologique en définit la fonction et l'usage. Ces explications s'accompagnent d'un QR code incitant le visiteur à découvrir d'autres objets au sein des collections permanentes de ce musée à vocation pluridisciplinaire, informations auxquelles s'ajoute un parcours destiné aux plus jeunes. Première étape, La fabrique rituelle est l'occasion de découvrir notamment une statue zoomorphe couverte de clous Yombe venue du Congo ou un tambour qilaut inuit d'Amérique du Nord. Les provenances sont principalement congolaises, chamaniques, inuit ou asiatiques, de Papouasie Nouvelle-Guinée et du Tibet. C'est le cas de cette vidéo montant la création et destruction d'un mandala de sable, symbole de rite initiatique et de la fugacité de l'existence? Les objets parfois sont manipulés et donc activés rituellement: qu'il s'agisse d'une Vierge à l'Enfant recouverte d'un drap de lin durant la passion et bien de chez nous ou d'un thangka (détrempe sur coton) Tibétain sur coton que l'on couvre et découvre, d'une clochette rituelle Ghanta du Népal, ou d'un tambourin bouddhique originaire du même pays.... Bien sûr les objets du rite catholique sont majoritaires (l'on n'est pas sur le territoire d'une université catholique pour rien) notamment dans l'évocation de la forme rituelle de la spirale, présente dans toutes les religions, tous les arts, condensant à la fois l'origine et l'infini, la création et la continuation entre la vie et la mort ou qui symbolise la permanence de l'être dans les changements: une vitrine entière "consacrée" à ce thème reprend entre autres une oeuvre de l'artiste du 17e, Claude Mellan représentant la Sainte Face, réalisée, de façon remarquable, en spirale et en un sel trait sur une plaque de cuivre, et qui reproduit la figure du christ telle qu'elle serait apparue sur le linge de sainte Véronique. Elle fait... face notamment à un bouclier Asmat aux formes géométriques originaire de Papouasie-Nouvelle-Guinée. La section jeux d'échelles réfère d'ailleurs à la liturgie communautaire pour les grandes, à la spiritualité intime et privée pour les petites: un ostensoir rutilant du 18e flanque ainsi un autel miniature. Par parenthèse aux jeux des échelles, les boites-vitrines conçues pour l'expo rappellent ces autels portatifs... en nettement plus grands! Face à ces objets de rituels catholiques, une amulette Ikhoko du Congo minuscule est toisée par un masque géant Kakuungu originaire du même pays ; un grand couteau à neige pana inuit en bois et métal est flanqué de ses "petits" en os. Dans ces sociétés chamaniques, la miniature précède le modèle et est dotée d'un pouvoir de substitution, nous apprend le panneau introductif de la section. Il ajoute que l'on peut voir certains liens entre le monde du jeu de l'enfance, et les rites, les deux univers montrant des affinités dans la sphère de l'anthropologique. La religion ne serait-elle d'ailleurs pas une pensée magique? Bien sûr, l'exposition (dont les cartels succincts se révèlent très éclairants) ne pouvait faire abstraction de la beauté qui unit ces deux versants que sont le rituel et le beau. Par leur capacité à émouvoir nous explique le duo de commissaires, les objets modifient les perspectives notamment par leur beauté, leur préciosité et leur éclat. Et de nous offrir au regard un magnifique ostensoir Art déco aux côtés notamment d'un sitatara, la Tara blanche, Bouddha féminin. En face, deux statues de la Grèce antique: l'une grande, une Korê d'Athènes, et l'autre plus petite, "Femme du Tanagra" ; tous deux datant de l'époque préchristique et flanquées d'une minuscule amulette bouddhique. L'expo se conclut sur un rite universel, mais uniquement illustré hélas d'un point de vue catholique: celui du mariage. Une robe blanche symbole de virginité, un bouquet (sous cloche) illustrant la fécondité aux côtés d'un missel de mariage (dont on avait oublié l'existence) sont bousculés par une oeuvre"blasphématoire" et contemporaine signée Jacqueline Devreux dénonçant cet enchaînement. En postface, Caroline Heering et Anne-Marie Vuillemenot nous expliquent comment tous ces objets en entrant dans des collections privées ou des musées perdent leur existence rituelle (et pas le rituel de l'existence) et meurent en quelque sorte, avant d'être soumis au rituel muséal de la conservation, de l'exposition... et de ressusciter! L'art comme religion?