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En Belgique et en Europe, la politique en matière de médicaments se trouve à un moment clé. Les prix augmentent, les budgets sont sous pression et les pénuries se multiplient. Si nous n'agissons pas, l'accès aux médicaments sera de plus en plus menacé. Lors de la crise du covid, nous avons pu constater que les entreprises pharmaceutiques ne souhaitaient pas garantir cette accessibilité. Aujourd'hui, des réformes sont en préparation. Fin avril, la Commission européenne a présenté une proposition qui fait actuellement l'objet d'un examen plus approfondi. Quels seront les axes de travail privilégiés par notre gouvernement lors de la prochaine présidence belge du Conseil de l'Union européenne, à partir de janvier 2024? Nous plaidons en faveur d'une politique pharmaceutique juste, ce qui implique au moins les huit points suivants: 1. Un prix juste pour les nouveaux médicaments. L'idée selon laquelle le prix peut correspondre à ce que ce médicament apporte à la société mène à des excès qui ne sont pas tenables. Le prix doit être déterminé par le coût de la recherche et de la production, plus une marge bénéficiaire raisonnable. Un modèle développé à cette fin par une association internationale de mutuelles doit être utilisé dans le cadre de futures négociations de prix. 2. Une information juste, plus de transparence. Les gouvernements devraient exiger des entreprises pharmaceutiques qu'elles mettent à disposition toutes les informations relatives au coût de la recherche et du développement d'un nouveau médicament. La Commission européenne propose uniquement de rendre public le financement de la recherche publique, mais ce n'est pas suffisant. La résolution de 2019 de l'Organisation mondiale de la santé sur la transparence contient un aperçu clair des mesures nécessaires. Celles-ci devraient être intégralement mise en oeuvre dans la législation belge et européenne. Au niveau belge concernant la décision sur le remboursement et au niveau européen concernant l'autorisation de mise sur le marché. 3. Des prix justes et plus de transparence, cela implique également la fin des contrats secrets. Ceux-ci montent les États membres les uns contre les autres et sapent le contrôle démocratique. Les négociations européennes sur les prix ne pourront aboutir rapidement que si les États membres osent faire le premier pas pour mettre un terme aux contrats secrets. 4. Une utilisation juste de la propriété intellectuelle. Il faut recourir à des licences obligatoires si les entreprises refusent d'ajuster leur prix à un montant juste. Le fait de recourir ou de menacer de recourir à des licences obligatoires renforce notre position à la table des négociations avec les multinationales pharmaceutiques, mais pour cela, la législation doit être modifiée afin que le/la ministre de la Santé puisse effectivement octroyer ces licences obligatoires. 5. Une innovation juste. Le gouvernement doit développer de nouveaux modèles de financement, comme le découplage, qui encouragent la recherche dans les domaines qui ont été publiquement définis comme prioritaires, indépendamment de la marge bénéficiaire potentielle qu'elle peut représenter pour une société pharmaceutique. Nous pensons avant tout au problème de la résistance croissante aux antibiotiques. Il est urgent de développer de nouveaux antibiotiques, ce que les entreprises pharmaceutiques ne font pas suffisamment à l'heure actuelle. 6. Une fiscalité juste. Durant la présidence belge, il faut poursuivre le travail sur la mise en place de l'accord européen sur un impôt mondial minimum sur les sociétés. Si l'accord avait certainement pu être plus ambitieux, il est important qu'il soit transposé dans la législation belge d'ici 2024. Il subsiste aujourd'hui trop de lacunes qui maintiennent des avantages et des exonérations fiscales, notamment sous la pression du lobby des grandes sociétés pharmaceutiques présentes dans notre pays. Nous préconisons un taux d'imposition effectif d'au moins 15%, sans exception. 7. Une disponibilité juste et suffisante. Il faut adopter des mesures plus fermes contre les nombreuses ruptures de stock. Il incombe aux fabricants et aux distributeurs d'assurer une disponibilité continue de nos médicaments. Les autorités belges et européennes doivent imposer des sanctions aux entreprises qui ne sont pas en mesure de justifier pourquoi elles ne peuvent ou ne souhaitent plus fournir un médicament de manière temporaire ou définitive. Les entreprises pharmaceutiques devraient être tenues d'élaborer des plans de prévention plus stricts en matière de gestion et de prévention de pénuries. 8. Une solidarité juste avec le reste du monde. Si notre pays souhaite faire de l'égalité d'accès aux médicaments dans le monde une priorité lors de la présidence belge, les mesures susmentionnées constituent une condition préalable indissociable. Davantage de transparence et des prix plus justes dans les pays européens les plus riches sont des éléments qui profiteraient également à tous les autres pays du monde. De surcroît nous demandons que notre pays soutienne des initiatives en faveur de la production locale de vaccins, de tests et de médicaments.