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Les intervenants dans la salle ont commencé par souligner le potentiel de l'intelligence artificielle (IA) dans divers domaines, notamment la médecine. Cependant, ils expriment des inquiétudes quant à l'intégrité des données sur lesquelles l'IA s'appuie. Une mauvaise qualité des données peut corrompre les résultats de l'IA, tout comme un système informatique classique peut être piraté ou faussé. La question est donc posée sur la sécurisation et la fiabilité des données utilisées pour l'entraînement des IA, ce qui est un enjeu commun à de nombreuses technologies numériques. Pour Laurent Alexandre, ces craintes peuvent être levées par des systèmes de sécurisation. Un autre sujet important abordé est le caractère de "boîte noire" des algorithmes d'IA. Même si une IA peut produire des résultats supérieurs à ceux d'un être humain dans certains cas, il est impossible de comprendre ou de reproduire en détail les décisions prises par le système, compte tenu du nombre colossal de calculs impliqués. Cette opacité soulève la question de savoir comment accepter et gérer des décisions médicales meilleures que celles des humains, mais que ces derniers ne peuvent pas comprendre en profondeur. Néanmoins, il est probable que les patients préfèrent une IA qui offre de meilleures chances de guérison, même si ses décisions restent difficiles à expliquer. Contrairement aux prévisions initiales, l'IA semble moins performante en radiologie que dans d'autres domaines médicaux, précise le Dr Laurent Alexandre. Alors que la radiologie était autrefois perçue comme l'une des premières disciplines à être bouleversée par l'IA, il s'avère que l'analyse d'images reste encore aujourd'hui un domaine où les radiologues humains surpassent largement les systèmes IA. Par contre, dans les autres champs médicaux, l'IA progresse rapidement, avec la perspective de dépasser les médecins humains dans l'analyse des données textuelles, comme les diagnostics et les prescriptions. Un débat s'ensuit autour du rôle futur des médecins, où certains envisagent un avenir où les médecins se consacreraient principalement à des tâches d'empathie et de soutien émotionnel, tandis que les diagnostics et traitements seraient automatisés. Cela soulève des questions sur la déqualification des médecins et la pertinence de longues études de médecine pour des tâches qui pourraient être déléguées à des machines. Il est également mentionné que le niveau intellectuel moyen des médecins a baissé dans plusieurs pays, ce qui les mettrait à un niveau intermédiaire entre les infirmiers et les chercheurs ou ingénieurs. Or, comme expliqué ci-contre, ChatGPT affiche un QI de 120, soit proche d'un étudiant moyen en médecine. Mais le QI de l'IA progresse chaque trimestre. La discussion s'est ensuite tournée vers les réticences institutionnelles à l'adoption de l'IA. En particulier, les médecins seraient réfractaires aux benchmarks (outils de comparaison des performances) de peur de révéler leurs erreurs, ce qui pourrait nuire à leur réputation. Ce frein culturel, combiné à des blocages psychologiques et réglementaires, ralentit l'implémentation de ces outils, même dans les hôpitaux les plus avancés, comme la Mayo Clinic aux États-Unis. La rapidité de l'évolution technologique rend difficile pour les institutions de suivre le rythme effréné des progrès. Le principe d'inertie devrait toutefois ralentir le délai de réalisation de la prophétie de Laurent Alexandre, surtout en Belgique ou le noeud institutionnel est gordien. Une dernière partie de la discussion se concentre sur les implications géopolitiques de l'IA. Selon l'un des intervenants, les grandes puissances, comme les États-Unis et la Chine, sont en pleine course technologique pour dominer le secteur de l'IA, et il n'y aura pas de pause dans cette compétition. Les gouvernements occidentaux ne pourront pas ralentir l'adoption de l'IA sous peine de se retrouver dépassés sur la scène internationale, notamment par la Chine. Or l'UE, qui a déjà perdu la bataille des téléphones portables (Nokia) et des lanceurs d'engins (Ariane), pourrait bien perdre celle de l'IA, obnubilée par la régulation plutôt que l'innovation. C'est notamment le cas en matière de protection des données, que le Dr Alexandre trouve excessive. Pour ce Cassandre des temps modernes, la Commission européenne va droit dans la mur et le rapport Draghi le prouve. Pour terminer, les intervenants ont insisté sur la nécessité, pour les professionnels de santé, de s'adapter rapidement à l'émergence de l'IA. Il est crucial que les gestionnaires hospitaliers et les médecins se forment à ces nouvelles technologies, sous peine de prendre un retard irrattrapable. La formation continue, la mutualisation des connaissances et l'acceptation des nouvelles pratiques seront essentielles pour intégrer pleinement l'IA dans le système de santé.