Portrait photo du Dr Antoine De Winter, médecin qui fait la mise au point quant à ses activités parallèles de médecin et de photographe.
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Généraliste et anthropologue, liégeois d'origine et bruxellois d'adoption, Antoine De Winter poursuit une carrière de photographe artistique qui l'a vu exposer dans de nombreuses galeries belges et étrangères, et même aux célèbres Rencontres photographiques d'Arles. Il s'est vu remettre de nombreux prix, dont celui du Soutien à la création artistique contemporaine de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2021. Il évoque pour Le journal du Médecin ses deux passions, alors que s'ouvrent deux expositions collectives à Paris et Bruxelles auxquelles il prend part. Le journal du Médecin: Êtes-vous médecin généraliste à temps partiel afin de pouvoir exercer votre activité de photographe? Dr Antoine De Winter: Je ne le suis plus en Belgique pour le moment. Récemment, j'ai notamment travaillé à Mayotte, en hôpital, pendant cinq mois. Je suis rentré en juin parce que j'avais envie de bouger et besoin d'autres défis intellectuels. Tout dernièrement, j'ai pu exercer sur un navire scientifique pendant un mois et demi au pôle Nord, expédition dont je suis rentré en septembre. Vous n'êtes plus médecin généraliste depuis combien de temps? J'ai eu une pratique à temps plein pendant presque neuf ans à Laeken, en maison médicale. J'ai arrêté voici trois ans. J'ai ensuite effectué à nouveau de petites missions, mais tout en me consacrant majoritairement à la photographie. Le sujet de mon travail photographique est à l'inverse très peu orienté vers l'homme. Je fais énormément de paysages. Je suis conscient de ne pas être un bon photographe. Par contre, je réfléchis à des moyens de produire des images qui sont plutôt efficaces. Mais je ne pourrais être un anthropologue de la photographie et pratiquer la photographie documentaire. Au niveau pictural, vous vous sentez proche d'un artiste comme Michaël Borremans? Il fait partie de mes grands référents picturaux: il y a quelque chose d'à la fois très photographique, de très fuyant, de très flottant dans ses portraits. En même temps, une sorte d'hyperprésence manifeste et forte. Il est difficile de passer à côté, en termes chromatiques, de matière, c'est également très fort. Vous faites de la photographie à la manière d'un peintre? Toutes les techniques que j'utilise impliquent toujours un vrai pinceau. Je ne fais pas de prints: j'utilise des techniques alternatives qui, dans leur processus, nécessitent à un moment une intervention mécanique, que ce soit un pinceau ou une brosse. Toutes mes techniques sont manuelles, nécessitent un moment en chambre noire qui est le plus gros de mon travail, d'utiliser des gélatines, des pigments... Initialement, mon médium c'est la photographie, mais avec un geste pictorialiste dans mon processus de création.Votre pratique de la photographie correspondrait-elle à une radiographie du paysage?Non, je ne crois pas. J'ai encore du mal à trouver le commun dénominateur entre ma pratique de médecin et d'artiste. Peut-être dans une espèce de formalisme cartésien, de rigueur. Ou bien dans la chimie au moment du travail en laboratoire. Et dans le côté auscultation d'un paysage, observation d'une personne... Plutôt dans le paysage: y trouver un écho, une sorte de battement du paysage, mais également de déchéance, de délitement, d'effacement. Le dernier travail que j'ai réalisé tournait autour d'un glacier en Suisse, recouvert de tissu pour le protéger: j'en ai tiré un livre, et ce fut le sujet plusieurs expositions dont l'une se tiendra bientôt à Paris. Effectivement, Il y a là quelque chose de l'accompagnement de fin de vie, de palliatif. Mais en même temps, il s'agissait justement d'un travail sur le beau dans cette fin: ce phénomène naturel en train de s'effacer de manière extrêmement dantesque et spectaculaire, au travers de grands modules de tissus, des espèces de drapés, de bandages, de compresses, dans une sorte de momification. Et quel serait l'apport de la médecine dans votre travail de photographe? Il s'agit de deux pans de ma vie, mais que j'ai encore du mal à articuler. Le lien le plus formel que je puisse entrevoir, c'est vraiment le travail de la chimie, des tests en laboratoire. Vous vous sentez plus médecin que photographe? Ou l'inverse?Cela dépend. Par moments, je suis plus médecin que photographe ; et à d'autres, davantage photographe. Ce qui est certain, c'est qu'il y a un savoir que je domine plus que l'autre: j'ai plus étudié la médecine que la photographie. Les faits et gestes me paraissent plus fluides en médecine - au niveau du raisonnement, du traitement, du diagnostic - qu'en photographie, où parfois mes connaissances restent balbutiantes. J'y procède plus par essai-erreur, un peu comme si j'étais encore en stage. (il sourit)Quelle est la réaction de vos confrères médecins par rapport à votre travail de photographe? Ils m'ont soutenu, notamment dans les moments où je n'étais plus satisfait de mon travail en tant que médecin, où j'ai ressenti le besoin de faire autre chose. Mais il est vrai qu'il y a souvent une forme d'incompréhension, peut-être par manque d'intérêt ou manque de connaissance des médecins par rapport à mon travail qui, effectivement, est de plus en plus pointu. Certains se montrent-ils envieux de l'orientation que vous avez choisie? J'en connais qui, effectivement, me disent: "Si j'avais pu faire autre chose à un moment, je l'aurais fait". La photographie est-elle une sorte de selfie? De qui je voudrais être, en effet. La pratique artistique, c'est se penser et se figurer en dehors. Pour la plupart des artistes, il y a quelque chose de très salvateur dans le fait de créer une sorte d'image de soi à laquelle on voudrait ressembler: une sorte de projection en dehors de soi.