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Cette nouvelle recherche est le fruit d'une collaboration entre l'équipe de Catherine Tallon-Baudry, chercheuse CNRS au Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Computationnelles, à l'École normale supérieure de Paris, et celle de Steven Laureys, neurologue, directeur de recherches FNRS au GIGA Consciousness - Coma science group de l'ULiège (défi scientifique), et responsable du Centre du cerveau, au CHU de Liège (défi clinique). " C'est effectivement une très belle association," déclare d'emblée le Pr Laureys. "Elle s'inscrit aussi dans le cadre européen du Human Brain Project dont nous sommes partenaires. Et ce qui me plaît c'est le fait que notre équipe a un pied dans la clinique dans la mesure où nous traitons des patients au Centre du cerveau, et un autre dans la recherche avec le groupe Coma science qui s'intéresse à la conscience humaine. Je crois beaucoup à cette interaction entre ma casquette de neurologue et celle de scientifique." Une approche qui semble en effet judicieuse si on en croit les résultats de l'étude franco-belge. " Catherine Tallon-Baudry avait déjà montré, au travers de l'Electro-Encéphalographie (EEG) et de la Magnéto-Encéphalographie (MEG) que chez les participants sains, la réponse du cerveau aux battements du coeur est liée à la perception, au corps et à la conscience de soi", poursuit Steven Laureys . "Autrement dit, il y a bel et bien une interaction entre le coeur et le cerveau et l'activité cérébrale est influencée par ce qui se passe au niveau de notre coeur." " Est-ce que cette interaction est automatique et est-ce qu'elle a quelque chose à voir avec notre niveau de conscience? Notre hypothèse de départ est qu'il y a clairement un impact du niveau de conscience. Nous avons testé cette interaction chez des patients que nous suivons au Centre du cerveau et qui ne retrouvent pas pleinement conscience après un coma. Le résultat, considéré comme cliniquement significatif est que l'interaction coeur-cerveau est bel et bien influencée par le niveau de conscience des patients." Pour cette étude, les chercheurs ont inclus 68 patients présentant un trouble de la conscience: 55 souffraient de l'état de conscience minimale et présentaient des signes de conscience fluctuants mais cohérents, mais étaient incapables de communiquer, ce sont les sujets contrôles, et 13 se trouvaient dans un état d'éveil sans réponse, appelé auparavant "état végétatif", et ne présentaient aucun signe comportemental de conscience. Ces patients ont été diagnostiqués à l'aide de l'échelle révisée de récupération du coma, un test clinique standardisé permettant d'évaluer le comportement conscient. " Nous avons enregistré l'activité cérébrale à l'état de repos, c'est-à-dire sans tâche ou stimulation spécifique", explique le Pr Laureys . "Nous avons sélectionné des segments de l'EEG juste après un battement de coeur et des segments à des points de temps aléatoires, c'est-à-dire non liés à un battement de coeur. Nous avons ensuite utilisé des algorithmes d'apprentissage automatique pour classer les patients dans les deux groupes de diagnostic." " Les segments de l'EEG non reliés à des battements cardiaques étaient informatifs pour prédire si un patient était conscient ou non, mais les segments de l'EEG reliés à des battements cardiaques étaient eux plus précis à cet égard. Nos résultats indiquent par conséquent que le potentiel évoqué par les battements cardiaques peut nous donner des preuves supplémentaires de la présence de la conscience." Les patients concernés ayant subi de graves lésions cérébrales, peuvent être incapables de montrer des signes comportementaux de conscience. Par conséquent, Steven Laureys et ses collaborateurs ont également fondé leur diagnostic sur le métabolisme du cerveau comme sonde de la conscience. " Il s'agit d'une technique de neuro-imagerie de pointe qui permet d'améliorer le diagnostic des patients souffrant de troubles de la conscience. Ces images très instructives ne peuvent être acquises que dans des centres de recherche médicale spécialisés." " Il est important de noter que les réponses évoquées par les battements cardiaques étaient plus conformes au diagnostic basé sur le métabolisme cérébral que sur l'évaluation comportementale. Il semble donc que la réponse évoquée du rythme cardiaque puisse être utilisée pour mesurer une perspective de récupération de conscience de soi qui n'est pas évaluée avec succès à l'aide d'outils comportementaux. C'est un beau résultat." " Le prochain challenge est de traduire nos résultats en applications cliniques afin que tous les patients souffrant de troubles de la conscience puissent bénéficier d'un meilleur diagnostic grâce à des technologies d'évaluation au chevet du patient largement disponibles", conclut le Pr Laureys. Au cours des dernières décennies, plusieurs améliorations importantes ont été apportées au diagnostic de ces patients, mais la mesure de la conscience de soi chez ces patients qui ne peuvent pas communiquer demeure un grand défi...