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Le journal du Médecin: Comment cela s'est passé à la Wonca (lire jdM n°2757, NdlR)? Il y a parfois un peu trop d'informations à digérer dans ce genre de gigaréunion. Quelles sont vos impressions du colloque? Quentin Mary: Je voudrais d'abord mettre l'accent sur l'aspect historique de l'événement: c'était la première fois que la Belgique accueillait cette conférence Wonca Europe. Second point important, la collaboration de toutes et de tous autour de ce projet. Les néerlandophones de Jong Domus et Domus Medica et les francophones de la SSM-J et de la SSMG ont ainsi travaillé main dans la main pour mettre ce congrès sur pied. Tous les acteurs de la médecine générale (universités, cercles, syndicats, ...) se sont rassemblés pour parler d'une même voix. Le congrès en lui-même a été un très grand succès avec quand même plus de 2.000 professionnels de 77 nationalités différentes. C'est toujours très intéressant de partager les points de vue, d'aborder tous les aspects de la MG, les recherches en MG, nouer des liens. Les moments entre les sessions, plus informels, permettent aussi de créer des liens. Mais ce type de congrès, avec plusieurs sessions en parallèle, peut frustrer certains participants, vous avez raison... La variété des sujets était grande mais les sessions peuvent être inégales en termes de qualité. J'en ressors certainement plus de points positifs que négatifs. Avez-vous eu l'impression lors de ce colloque que, d'un point de vue international, la médecine générale rencontre les mêmes problèmes et doit gérer les mêmes défis? Les enjeux sont les mêmes? Même si la façon de les appréhender peut varier d'un pays à l'autre, les enjeux sont à peu près les mêmes. Chaque pays peut être une source d'inspiration pour les résoudre. Mais il y a des divergences, évidemment. Rien qu'en Belgique des divergences existent entre nous, il serait surprenant de ne pas en avoir à l'international! Par retour des lecteurs et en interviewant les "stakeholders" en médecine générale, une plainte récurrente est le poids (chronophage) de la gestion de la santé mentale des patients par les médecins généralistes... Lorsque j'entends cette question, ma première réaction est de souligner qu'il s'agit de la réalité. Mais malheureusement, la médecine générale sert souvent à pallier les manquements à d'autres niveaux. Depuis bien longtemps, la prévention est le parent pauvre des soins de santé. Les gens se retrouvent, ainsi, seuls face à leurs problèmes mentaux. En MG, nous faisons régulièrement de la prévention, à notre niveau. Mais au niveau méso (supérieur), le bât blesse car c'est moins vendeur et visible. Nous en sortons frustrés par l'évolution de nos patients qui auraient pu ne pas en arriver à ce stade-là. Les médecins ne sont pas seuls face leurs patients mentalement en souffrance, le travail interdisciplinaire est primordial, avec nos collègues psychologues et même parfois psychiatres, voire avec l'entourage du patient, professionnel ou familial. Quel est l'état de la recherche en médecine générale? Avez-vous les moyens suffisants? On peut être fiers d'avoir des chercheurs MG compétents et innovants. Maintenant, le nerf de la guerre ce sont les moyens financiers et humains, qui sont liés. Le fait de dépendre de subsides non pérennes est une épée de Damoclès pour nos collègues chercheurs. Le recueil de données fait également partie de l'équation. Je suis parfois frustré de l'absence d'automatisation de l'extraction de données des DMI, ce qui faciliterait la recherche en médecine générale. Il faut aussi créer du lien entre les chercheurs de diverses universités et entre francophones et néerlandophones. Pour rentabiliser les forces, il faut travailler ensemble. Il faut promouvoir la recherche en médecine générale. Vous avez été élu à la présidence de la SSMG en mars 2021. Pouvez-vous tirer un premier bilan de votre présidence? Par rapport à votre prédécesseur, on a l'impression que votre direction est plus horizontale avec la nomination de sept nouveaux administrateurs... D'emblée, je dirais que je ne nomme personne: les administrateurs sont élus lors de l'AG. Le but est effectivement d'avoir une SSMG plus représentative de la MG belge francophone, avec une diversité d'âge, de sexe, géographique et de culture. Nous pourrions aller vers encore plus d'inclusivité. Le but est que tout le monde puisse prendre la parole et soit respecté dans sa singularité. Y arrive-t-on à la SSMG? Le chemin est toujours long, mais il est parfois aussi beau que la ligne d'arrivée. C'est important d'avancer pas à pas. Je ne sais pas si on arrivera à une SSMG rêvée, représentative et ouverte à toutes et à tous. C'est mon souhait. Vous l'avez déjà dit: la SSM-J revêt une grande importance à vos yeux ce qui n'a pas toujours été le cas... Effectivement, les jeunes sont centraux à la SSMG. Ils seront les médecins de demain. On essaye donc qu'ils aient leur mot à dire dans notre organe d'administration, mais aussi au niveau national et international. Au CMG, par exemple, une membre de la SSM-J y est représentée... Nos jeunes ont également participé, avec Jong Domus, à la préparation de la préconférence Wonca. Les meilleurs ambassadeurs pour attirer des jeunes à la SSMG, ce sont les jeunes médecins généralistes motivés, novateurs, progressistes et brillants de la SSM-J. D'ailleurs, nous collaborons avec les universités pour présenter la MG aux jeunes étudiants en fin de cursus. Maintenant, les plus jeunes de nos collègues sont attirés par l'aspect "formation continue", scientifique et accessible de la SSMG, qui a un caractère "sexy". Attirer les jeunes c'est aussi s'adapter à eux, au niveau du sens à donner à leur rôle, du respect des horaires afin de préserver une vie privée et de la clarification du rôle et de la charge de travail qui sont demandés à chacun. Le New Deal est une véritable révolution lancée par Frank Vandenbroucke. En laissant le choix entre l'ancien et le nouveau modèle, ne complexifie-t-on pas à outrance la MG et ne crée-t-on pas une médecine générale à deux voire à trois vitesses? La réforme de la MG est une bonne chose si elle se base sur les souhaits des intéressés et sur une base scientifique solide. Mais on ne peut pas la faire sans réunir autour de la table les autres acteurs de la première ligne de soins, les infirmiers, les pharmaciens, les kinés, les logopèdes, les ergothérapeutes, voire les associations de patients. On ne peut pas imposer un système utilisant les infirmiers de pratique alors que le secteur manque de personnel. On ne gère pas la pénurie d'un métier en en aggravant une autre. Je rajouterais la deuxième ligne de soins à ces discussions afin de clarifier les rôles et prérogatives de chacun. Discuter chacun dans son coin et vouloir l'imposer aux autres n'a pas de sens. Tout cela prendrait évidemment du temps, davantage qu'une législature... Pour en revenir au projet New Deal, il y a évidemment du bon et du moins bon. Toutefois, le débat se poursuit dans des cénacles auxquels nous ne sommes pas conviés. Durant les réunions du groupe de travail, les plus jeunes de nos représentants ont souhaité que soit abordée l'empreinte écologique de la médecine générale et de nos cabinets. J'espère que cette crainte, bien d'actualité, pourra être écoutée.