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Mickaël Daubie travaille depuis 20 ans exactement à l'Inami, institution qui a fêté ses 60 ans cette année. Au fil des décennies, la mission de l'Inami a évolué. Initialement chargée du remboursement des frais médicaux, elle se soucie également de la santé collective et individuelle. Mickaël Daubie détaille cette évolution dans un entretien avec Le journal du Médecin. "Les cinq objectifs du Quintuple Aim constituent la boussole de l'Inami. Nous nous appuyons sur trois piliers: le patient, les prestataires de soins et le système des soins de santé. Le patient occupe une position centrale, ce qui est logique, puisque chaque membre du secteur oeuvre pour le bien du patient. Nous voulons préserver ou améliorer la santé du patient, garantir la qualité et l'accessibilité des soins. Dans cette optique, nous stimulons par exemple des initiatives de mise en place de soins intégrés, c'est-à-dire de formation d'équipes multidisciplinaires." "Les prestataires de soins forment le deuxième pilier. Comment pouvons-nous leur permettre d'effectuer encore mieux leur travail? J'estime important de miser sur la prévention. Les meilleurs soins sont ceux que nous pouvons éviter. La prévention permet également de réduire la charge de travail des médecins. La prévention est évidemment un secteur complexe dans notre pays et nous devons collaborer avec les Régions.""La simplification administrative constitue un autre chantier. De nombreux prestataires de soins se plaignent, à juste titre, de la surcharge administrative. Nous voulons aussi améliorer les conditions de travail des prestataires de soins. Le New Deal destiné aux généralistes constitue un bon exemple. Nous finançons leur assistance administrative et infirmière pour qu'ils puissent se concentrer sur les soins à prodiguer à leurs patients. Un bon système de garde est important aussi. Cela ne représente qu'une petite partie de l'activité des médecins, mais elle représente un lourd fardeau.""Le système en lui-même constitue le troisième pilier: comment pouvons-nous en assurer la viabilité et la durabilité? Comme je viens de le dire, la prévention y joue un rôle. Nous devons aussi nous diriger vers des soins efficaces. Ce terme a malheureusement une connotation négative: dans l'esprit des prestataires de soins, "des soins efficaces" riment souvent avec "économies". Mais qui peut affirmer, la main sur le coeur, que tous les soins prodigués dans ce pays sont vraiment nécessaires ou apportent un plus aux patients? Les budgets libérés par la réduction de soins inefficaces peuvent être réinvestis dans d'autres domaines. L'efficacité des soins ne constitue pas un moyen d'épargner, mais de mieux utiliser nos budgets."Dans ce cadre, l'Inami communique un feedback individuel aux prestataires de soins, à propos de leurs prescriptions et de leurs traitements. De nombreux médecins ont mal accueilli une circulaire récente sur les antibiotiques. Mickaël Daubie les comprend. "En principe, personne ne peut être contre le fait que nous stimulions des prescriptions rationnelles, mais je constate que c'est parfois la manière qui pose problème. Ceci dit, c'est le CNPQ (Conseil national de promotion de la qualité) qui a établi les indications des antibiotiques. Il regroupe des représentants des universités, des prestataires de soins, des institutions de soins et des pouvoirs publics. Les médecins ont donc également approuvé ces directives. Nous devons poursuivre dans cette direction, tout en consentant plus d'efforts pour bien expliquer nos objectifs." "Nous investissons encore dans le plan d'action eSanté. Nous mettons ainsi au point un clinical decision system pour l'imagerie médicale, certains médicaments et la biologie clinique. Nous épaulons donc les médecins dans l'amélioration des soins. Je le répète: il ne s'agit pas d'une économie mais d'une affectation efficace de nos moyens." M. Daubie est également président de la Commission nationale dento-mutualiste. Cette année, quand il a réalisé qu'on n'atteignait pas le taux escompté de 60% de dentistes conventionnés, le ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, a abaissé le seuil afin de permettre l'application du nouvel accord. Ensuite, lors du symposium organisé à l'occasion des 60 ans de l'Inami, le ministre a fait remarquer qu'à son avis, le modèle de concertation devait être revu. "Le système de convention en concertation avec les syndicats est important pour assurer la sécurité des tarifs. Nous ne le remettons pas en cause", commente M. Daubie. "Cependant, il faut moderniser le mode de concertation. Nous devons peut-être nous diriger vers une sorte de contrat qui engage toutes les parties. Les pouvoirs publics s'engagent à indexer les dépenses et à autoriser une certaine norme de croissance. Les prestataires se portent garants de la qualité des soins et d'une sécurité tarifaire pour la population la plus fragile, les patients bénéficiant d'un remboursement plus important. Parallèlement, nous devons accorder une certaine flexibilité aux médecins à l'égard des autres patients. Tout le monde doit consentir un effort."La structure de la concertation peut changer aussi. "Nous avons déjà signalé que les soins devenaient multidisciplinaires. Cela signifie que la concertation doit l'être également. Actuellement, il existe des commissions pour les médecins, les dentistes, les kinésithérapeutes, alors que, par exemple, les ergothérapeutes, les psychologues et les hygiénistes dentaires ne sont pas représentés. L'objectif n'est pas de constituer une commission par profession. Nous devons réfléchir à une sorte de commission de convention transversale au sein de laquelle d'autres professions peuvent jouer un rôle."M. Daubie n'ignore pas les syndicats de médecins, qui demandent qu'on soutienne leur fonctionnement: "Nous voulons des interlocuteurs forts. Mais là aussi, nous devons demander un engagement continu. Nous voulons assurer un meilleur financement, mais nous attendons aussi plus d'efforts et d'engagement dans les négociations. Ce serait une situation win-win. Les syndicats se plaignent parfois qu'il y a trop de groupes de travail, de projets pilotes et de forums, mais nous les payons justement pour qu'ils puissent libérer des personnes pour y participer. Le système doit également rester équitable: les syndicats de médecins reçoivent déjà plus que les autres professions de santé."Durant le même symposium, Pedro Facon, administrateur général adjoint de l'Inami, a également plaidé en faveur d'une plus grande transparence dans la concertation. Daubie se joint à cet appel: "Je pense qu'il est normal qu'à terme, après chaque réunion, un rapport de synthèse des décisions prises soit publié plus rapidement sur notre site web. Nous prenons des décisions qui concernent tous les prestataires de soins de santé, il est donc important que tout le monde en soit informé"."Plus généralement, l'Inami doit accorder encore plus d'attention à la communication - nous sommes une agence gouvernementale, et la communication n'est malheureusement pas dans notre ADN (rires). Parfois, nous approuvons un projet et pensons que l'affaire est réglée dès qu'il est publié. Nous l'avons vu avec le projet de soins "covid long". C'était un excellent projet, mais il a été moins utilisé que prévu. C'est bien sûr regrettable. Plusieurs facteurs peuvent l'expliquer, notamment la communication, pour laquelle nous devons déployer beaucoup plus d'efforts. Après les premières constatations, de solides ajustements ont été apportés à l'offre en tenant compte des besoins du patient et du personnel soignant. Il est important que tout le monde en soit conscient"."Je pense que nous devons également être plus transparents en ce qui concerne la qualité des soins. Responsabiliser le patient signifie qu'il dispose de tous les éléments pour prendre une décision correcte. La consultation du médecin en est un élément, mais l'Inami dispose également de certaines informations sur le nombre de procédures, la qualité, etc. Il ne devrait pas y avoir de tabous à ce sujet."