Chaque médecin doit ou devra un jour dans sa vie répondre aux demandes de soins d'un proche. Lorsqu'un médecin met le pied dans cette double relation, il est tiraillé entre son identité personnelle et son identité professionnelle. A ce conflit interne, viennent s'ajouter des influences externes telles que les attentes de nos proches qui tentent de naviguer dans un système de soins complexes et les obligations déontologiques envers la société et nos confrères. Malgré l'inconfort que cette situation complexe suscite, les études quantitatives réalisées sur le sujet montrent que quasiment 100% des médecins sont sollicités par leur proches et beaucoup répondent favorablement à leur demande (que ce soit pour un diagnostic, un conseil ou un traitement). Le médecin généraliste, en tant que praticien de première ligne, est le plus souvent concerné par ces demandes. Ce sujet intemporel et complexe est très peu abordé au cours des études et des formations alors qu'il s'agit d'un sujet d'éthique qui pose quotidiennement problème dans la pratique d'un médecin généraliste. Dès lors, beaucoup de médecins se lancent dans cette relation sans être pleinement conscients des enjeux et des pièges qu'elle cache.

Méthodologie

J'ai réalisé onze entretiens semi-dirigés en axant mon travail sur trois points. Premièrement, le ressenti des médecins généralistes par rapport aux demandes de soins de leurs proches. Deuxièmement, les médecins étaient interrogés sur les modifications de leur pratique quotidienne lorsque le patient est un proche. Enfin, j'ai demandé aux médecins quels conseils ils donneraient à un collègue ou un assistant qui l'interrogerait à ce sujet. Cette dernière question constitue le coeur mon travail.

Résultats

Au cours des entretiens, les médecins ont partagé avec moi des émotions diverses et ont tous souligné l'inconfort que suscitent immanquablement les demandes de soins de leur proche. Ceci contraste avec le fait que, en pratique, la plupart des médecins y répondent favorablement. Chaque médecin devrait, face à ces demandes ou à la maladie d'un proche, avoir une réflexion profonde concernant la charge émotionnelle qui en ressort afin de comprendre quels objectifs il poursuit lorsqu'il répond positivement ou négativement à un proche (protéger ses proches, leur offrir les meilleurs soins, éviter un conflit intrafamilial, etc.). A mon sens, ce travail d'introspection est une des premières étapes qui permet au médecin de savoir comment il veut vivre cette relation.

Le fait que le patient soit un proche modifie inévitablement la pratique quotidienne du médecin (disponibilité accrue, demandes hors du cadre professionnel, secret médical, etc.). Il est important d'avoir son attention attirée par ces modifications parfois minimes mais loin d'être anodines car elles peuvent être sources d'erreurs ou de conflits.

L'objectif principal de mon travail de fin d'études est de déterminer comment aider les médecins à répondre (positivement ou négativement) à une demande de soins d'un proche. Il n'existe aucun consensus que ce soit au niveau de la littérature scientifique ou au niveau déontologique. Et, à mon sens, une réglementation plus stricte en la matière ne permettrait probablement pas d'apporter une aide quelconque aux médecins. Le seul point qui fait l'unanimité parmi les médecins interrogés est l'importance d'une formation continue dans le domaine. Cette dernière reposerait sur une sensibilisation précoce des stagiaires et des assistants ainsi qu'un partage d'expérience entre collègues, entre assistants et maîtres de stages, entre médecins plus âgés et médecins plus jeunes.

Conclusion

La problématique peut sembler anodine tant on en parle peu, aussi bien lors du cursus universitaire que dans les lois ou la déontologie. De plus, les opinions sur le sujet sont très nuancées. L'absence de consensus ou de cadre légal ne doit pas nous amener à nier la question. D'ailleurs, tous les médecins interrogés dans le cadre de mon travail soulignent la nécessité d'une réflexion sur le sujet et d'une formation dans le domaine. Déposer le sujet sur la table va ouvrir les yeux de certains, permettre à d'autres le temps de la réflexion et autoriser chacun à ouvrir ses horizons.

- Titre complet : Soigner ses proches: comment aider le médecin généraliste dans sa réflexion?

- Auteure : Dr Marie Henry (ULiège)

- Promotrice: Dr Sophie Wouters

- Tutrice: Dr Mélanie Villar

- Master complémentaire en médecine générale

- Année académique 2020-2021

Chaque médecin doit ou devra un jour dans sa vie répondre aux demandes de soins d'un proche. Lorsqu'un médecin met le pied dans cette double relation, il est tiraillé entre son identité personnelle et son identité professionnelle. A ce conflit interne, viennent s'ajouter des influences externes telles que les attentes de nos proches qui tentent de naviguer dans un système de soins complexes et les obligations déontologiques envers la société et nos confrères. Malgré l'inconfort que cette situation complexe suscite, les études quantitatives réalisées sur le sujet montrent que quasiment 100% des médecins sont sollicités par leur proches et beaucoup répondent favorablement à leur demande (que ce soit pour un diagnostic, un conseil ou un traitement). Le médecin généraliste, en tant que praticien de première ligne, est le plus souvent concerné par ces demandes. Ce sujet intemporel et complexe est très peu abordé au cours des études et des formations alors qu'il s'agit d'un sujet d'éthique qui pose quotidiennement problème dans la pratique d'un médecin généraliste. Dès lors, beaucoup de médecins se lancent dans cette relation sans être pleinement conscients des enjeux et des pièges qu'elle cache. J'ai réalisé onze entretiens semi-dirigés en axant mon travail sur trois points. Premièrement, le ressenti des médecins généralistes par rapport aux demandes de soins de leurs proches. Deuxièmement, les médecins étaient interrogés sur les modifications de leur pratique quotidienne lorsque le patient est un proche. Enfin, j'ai demandé aux médecins quels conseils ils donneraient à un collègue ou un assistant qui l'interrogerait à ce sujet. Cette dernière question constitue le coeur mon travail. Au cours des entretiens, les médecins ont partagé avec moi des émotions diverses et ont tous souligné l'inconfort que suscitent immanquablement les demandes de soins de leur proche. Ceci contraste avec le fait que, en pratique, la plupart des médecins y répondent favorablement. Chaque médecin devrait, face à ces demandes ou à la maladie d'un proche, avoir une réflexion profonde concernant la charge émotionnelle qui en ressort afin de comprendre quels objectifs il poursuit lorsqu'il répond positivement ou négativement à un proche (protéger ses proches, leur offrir les meilleurs soins, éviter un conflit intrafamilial, etc.). A mon sens, ce travail d'introspection est une des premières étapes qui permet au médecin de savoir comment il veut vivre cette relation. Le fait que le patient soit un proche modifie inévitablement la pratique quotidienne du médecin (disponibilité accrue, demandes hors du cadre professionnel, secret médical, etc.). Il est important d'avoir son attention attirée par ces modifications parfois minimes mais loin d'être anodines car elles peuvent être sources d'erreurs ou de conflits. L'objectif principal de mon travail de fin d'études est de déterminer comment aider les médecins à répondre (positivement ou négativement) à une demande de soins d'un proche. Il n'existe aucun consensus que ce soit au niveau de la littérature scientifique ou au niveau déontologique. Et, à mon sens, une réglementation plus stricte en la matière ne permettrait probablement pas d'apporter une aide quelconque aux médecins. Le seul point qui fait l'unanimité parmi les médecins interrogés est l'importance d'une formation continue dans le domaine. Cette dernière reposerait sur une sensibilisation précoce des stagiaires et des assistants ainsi qu'un partage d'expérience entre collègues, entre assistants et maîtres de stages, entre médecins plus âgés et médecins plus jeunes. La problématique peut sembler anodine tant on en parle peu, aussi bien lors du cursus universitaire que dans les lois ou la déontologie. De plus, les opinions sur le sujet sont très nuancées. L'absence de consensus ou de cadre légal ne doit pas nous amener à nier la question. D'ailleurs, tous les médecins interrogés dans le cadre de mon travail soulignent la nécessité d'une réflexion sur le sujet et d'une formation dans le domaine. Déposer le sujet sur la table va ouvrir les yeux de certains, permettre à d'autres le temps de la réflexion et autoriser chacun à ouvrir ses horizons.