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L'urticaire est un problème auquel tant les généralistes que les dermatologues sont régulièrement confrontés. " Pourtant, son diagnostic n'est pas toujours facile et certaines idées reçues ont la vie dure, en particulier chez les patients eux-mêmes", précise le Dr Kerre. Dans sa forme typique, l'urticaire découle d'une dégranulation des mastocytes qui se traduit par l'apparition transitoire de plaques en relief accompagnées de démangeaisons violentes, en l'absence de symptômes associés tels qu'une fièvre ou des plaintes articulaires. Les lésions sont "passagères" par définition et doivent donc disparaître dans un délai allant de cinq minutes à 24-48 heures au maximum. Il conviendra toujours d'interroger explicitement le patient à ce sujet ; pour l'aider à en avoir le coeur net, on pourra éventuellement marquer une plaque d'une croix et lui demander de vérifier si elle est toujours au même endroit après quelques jours. Le cas échéant, elle doit disparaître complètement et sans laisser de signes résiduels telles qu'un purpura ou une décoloration. Dès lors que les symptômes s'écartent de ce tableau caractéristique - démangeaisons, caractère passager, lésions en relief, absence de signes résiduels - et que d'autres signes sont présents, il faudra mettre en doute le diagnostic d'urticaire typique et envisager par exemple la piste d'une urticaire auto-inflammatoire ou d'une vascularite urticarienne. Chez les jeunes enfants, on peut exceptionnellement observer une nuance ou coloration résiduelle pourpre ; on parlera alors d' urticaire multiforme. Bien que l'urticaire soit en général une pathologie bénigne, elle peut aussi être un signe annonciateur d'une réaction anaphylactique. Il est donc important de rester attentif à la survenue de signaux d'alarme tels qu'essoufflement, hypotension et plaintes gastro-intestinales. Par ailleurs, les symptômes suscitent parfois la crainte d'un étouffement, en particulier en présence d'un angio-oedème. Celui-ci n'est en effet pas rare en cas d'urticaire, sous la forme par exemple d'un gonflement des lèvres, mais il s'agit généralement d'un phénomène sans gravité. Un angio-oedème isolé (sans urticaire) qui se développe plus lentement, persiste plus longtemps et ne réagit pas aux antihistaminiques ou aux stéroïdes peut avoir une origine bradykinergique et sera potentiellement plus dangereux. Il conviendra alors de rechercher dans un cadre spécialisé une forme héréditaire ou acquise. Un traitement par IEC est également une cause majeure angio-oedème isolé à ne pas négliger. L'allergie est encore trop souvent considérée comme la première cause d'urticaire. Elle peut effectivement avoir un rôle à jouer dans les formes aiguës, mais presque jamais dans les urticaires chroniques. Les causes allergiques peuvent être alimentaires ou médicamenteuses, y compris suite à un simple contact avec la peau. On pensera surtout au lait, aux oeufs et aux noix chez les plus jeunes, aux poissons et fruits de mer chez les adultes. Du côté des médicaments, les antibiotiques et AINS peuvent être des déclencheurs potentiels. Il importe de souligner ici que les réactions ne sont pas forcément médiées par les IgE et que des tests sérologiques ou cutanés ne sont pas toujours opportuns. Lorsqu'une allergie entre en jeu, la corrélation temporelle sera le plus souvent évidente, les symptômes survenant dans les minutes ou, rarement, dans les heures suivant l'exposition. Une exception à cette règle est le syndrome alpha-gal ou allergie à la viande rouge, un phénomène peu fréquent qui s'accompagne d'un temps de latence potentiellement plus grand (les symptômes se manifestant par exemple pendant la nuit après un repas de viande en soirée). La corrélation temporelle peut aussi être moins évidente lorsque la réaction ne survient qu'en présence de cofacteurs (p.ex. l'alcool, l'effort, la prise d'AINS...). L'hypothèse d'une allergie ou pseudo-allergie aux colorants et agents conservateurs, qui donnait autrefois lieu à des régimes sans pseudo-allergènes, a été largement abandonnée en tant que cause potentielle d'urticaire. Quelles sont donc les principales causes d'urticaire, si l'allergie n'en fait pas partie? En cas d'urticaire aiguë, en particulier chez les enfants, les infections des voies respiratoires sont une première cause fréquente. La grande majorité des cas restent toutefois idiopathiques. En cas d'urticaire chronique, les allergies et infections chroniques jouent tout au plus un rôle modulateur mais sont rarement la cause réelle du problème. Une urticaire chronique peut notamment être déclenchée par des facteurs physiques tels que la pression, le frottement, la chaleur, l'effort, le froid et les vibrations. C'est pour cette raison que l'on parle d'urticaires chroniques inductibles. Dans d'autres formes d'urticaire chronique, les lésions semblent se manifester spontanément, sans cause déclenchante ou inductible identifiable. Il existe des indices clairs qu'une grande partie des patients concernés souffrent d'une urticaire auto-immune qui s'accompagne de la formation soit d'anticorps IgE dirigés contre les auto-antigènes, soit d'anticorps IgG dirigés contre les IgE ou contre les récepteurs des mastocytes. Dans le passé, un diagnostic d'urticaire donnait souvent lieu à toute une panoplie de tests, des analyses sanguines aux examens radiologiques en passant par les tests cutanés, les analyses des selles et des urines et les scopies de toutes sortes. Face à une urticaire aiguë, initier un traitement par antihistaminiques puis attendre et voir est une approche tout à fait défendable. En cas d'urticaire chronique, il conviendra avant tout d'identifier les facteurs physiques qui entrent en jeu, de s'assurer que l'on n'est pas passé à côté d'un problème auto-inflammatoire et de se focaliser sur l'urticaire auto-immune. Les éléments importants d'un point de vue diagnostique seront une bonne anamnèse, avec recherche des éventuelles maladies auto-immunes associées, ainsi qu'une prise de sang en vue de déterminer le taux de CRP et de rechercher d'éventuels indicateurs d'une maladie auto-immune (anticorps antithyroïdiens, facteur antinucléaire...). La mesure des IgE totales et les tests ImmunoCap ne sont pas importants pour la recherche des allergènes, mais ils ont leur intérêt sur le plan thérapeutique et pronostique pour prédire la réponse au traitement. Le traitement de première ligne de l'urticaire repose sur les antihistaminiques. " Débuté à raison d'une ou deux doses par jour, le traitement sera progressivement augmenté pour atteindre quatre doses quotidiennes. Les corticoïdes sont moins indiqués ; tout au plus seront-ils administrés sous la forme d'un bref traitement de choc d'une durée de cinq à six jours", recommande le Dr Kerre. En deuxième intention, on peut citer l'omalizumab, qui capte l'IgE libre et est souvent extrêmement efficace en cas d'urticaire chronique. Règles de remboursement obligent, cette molécule n'est toutefois prise en charge qu'après six mois dans l'urticaire chronique ; au cours de la période qui précède, il faudra donc parfois se tourner vers les corticoïdes ou la ciclosporine. Cette dernière sera du reste l'étape suivante à envisager en cas d'échec de l'omalizumab. Une série de molécules sont actuellement en développement pour les patients résistants ; elles visent d'autres cibles au niveau des mastocytes ou de la cascade qui débouche sur leur dégranulation.