Les inhibiteurs de point de contrôle offrent parfois aux patients cancéreux des années de rémission, mais ils ne sont pas efficaces chez tout le monde. Un IMAO pourrait toutefois être en mesure de renforcer leur action... ou c'est en tout cas ce que l'on a pu observer chez la souris.
...
Les inhibiteurs de point de contrôle sont des produits capables de stimuler l'action des lymphocytes T cytotoxiques, avec à la clé un effet bénéfique sur la lutte contre les tumeurs. Ces lymphocytes T cytotoxiques expriment en effet à la surface de leur membrane des récepteurs qui gardent leur activité sous contrôle, ce qui est important pour éviter qu'ils ne deviennent trop actifs et ne provoquent des manifestations auto-immunes. La confrontation prolongée à des antigènes tumoraux peut toutefois déboucher sur une surexpression des points de contrôle, avec à la clé une inhibition excessive des lymphocytes T. C'est ce mécanisme qui explique pourquoi l'inhibition des points de contrôle peut donner un coup de fouet supplémentaire au système immunitaire dans sa lutte contre les tumeurs. L'immunologiste américaine Lili Yang et son équipe ont cherché des moyens de stimuler encore plus l'action des lymphocytes T cytotoxiques. Pour ce faire, ils ont étudié l'expression génique à l'intérieur des lymphocytes T qui avaient infiltré un mélanome dans un modèle de souris, ce qui leur a permis d'observer que les lymphocytes T présentaient une expression anormalement élevée du gène MAOA codant pour la monoamine-oxydase A (MAO-A), une enzyme qui dégrade des neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine. La MAO-A est aussi la cible des inhibiteurs MAO (IMAO), une classe d'antidépresseurs qui a, ces dernières décennies, un peu reculé au profit d'options plus récentes. Les chercheurs ont utilisé dans le cadre de leurs travaux des souris génétiquement manipulées pour ne plus produire MAO-A et ont observé que la croissance des tumeurs était plus lente chez elles que chez leurs homologues "ordinaires". Les lymphocytes T étaient aussi moins rapidement épuisés et produisaient davantage de substances cytotoxiques. En outre, Yang et al. ont pu démontrer que l'administration d'IMAO ralentissait la croissance du mélanome et du cancer du côlon chez des souris ordinaires... et, cerise sur le gâteau, la combinaison d'un inhibiteur de point de contrôle et d'un IMAO débouchait sur un effet plus marqué que les deux produits pris individuellement. Afin de déterminer si ces données pourraient être utilisables dans la pratique clinique, l'équipe américaine a ensuite consulté une base de données de l'expression génique dans différentes tumeurs. Ils ont ainsi découvert qu'une expression accrue du gène MAOA était associée à un moindre nombre de lymphocytes T dans la tumeur et à une survie plus limitée. Il existe une explication à l'effet bénéfique des IMAO dans le modèle animal mentionné plus haut: les lymphocytes T produisent eux-mêmes de la sérotonine pour accroître leur propre efficacité et plus celle-ci est dégradée lentement, plus les lymphocytes T sont actifs. Yang et al. espèrent à présent que leurs résultats déboucheront sur des essais cliniques.