La sclérose latérale amyotrophique conserve une étiologie assez mystérieuse. Sa prise en charge s'en trouve très lacunaire.
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Maladie du motoneurone la plus fréquente chez l'adulte, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) se déclare en général entre 50 et 80 ans, avec un pic d'incidence vers 74 ans. Elle évolue habituellement en trois à cinq ans vers une paralysie complète des muscles et le décès du patient, la plupart du temps à la suite d'une insuffisance respiratoire. L'incidence annuelle de cette affection neurodégénérative classiquement caractérisée par une atteinte des neurones du cortex moteur (neurones moteurs centraux) et des neurones de la corne antérieure de la moelle épinière (neurones moteurs périphériques) est de 1,5 à 4,7 cas pour 100.000 personnes et sa prévalence, de 2,7 à 7,4 cas. Plus ou moins une fois sur dix, la SLA revêt les traits d'une maladie héréditaire de nature monogénique. Pour l'heure, plus de 30 gènes ont été identifiés, dont quatre seraient responsables de 50% des formes purement génétiques de la maladie (SOD1, TARDBP, FUS/TLS et surtout C9orf72). D'autres sont encore à découvrir, un tiers des cas familiaux demeurant orphelins de la connaissance des gènes causaux qui les ont initiés. Bien que la plupart des cas de SLA familiale suivent un modèle de transmission autosomique dominant, des formes récessives liées à l'X ont été décrites. L'origine des formes sporadiques de la SLA (quelque 90% des cas) reste mystérieuse. Probablement la maladie est-elle alors multifactorielle, de sorte qu'il faille incriminer des variants génétiques de prédisposition et des facteurs environnementaux. Actuellement, aucun facteur causal n'a été identifié avec certitude, même si un certain nombre de gènes de susceptibilité semblent avoir été mis en évidence, tels SMN1 et ATXN2. Professeur à l'ULiège et maître de recherches honoraire du FNRS au sein du GIGA-CRC in vivo imaging, le neurologue Gaëtan Garraux ajoute que "vu la diversité phénotypique de la maladie (voir infra), il se pourrait qu'il y ait plusieurs sous-types de SLA et potentiellement plusieurs facteurs déclencheurs". Il se pourrait même que différentes maladies du motoneurone soient regroupées sous le nom générique de SLA. Abstraction faite de probables prédispositions génétiques, on n'a pas pu démêler l'écheveau des causes des SLA sporadiques. Elles se caractérisent par l'existence de certains clusters ayant éveillé des hypothèses relatives aux facteurs environnementaux qui, s'ajoutant aux prédispositions génétiques, contribueraient au déclenchement de la maladie. Ainsi, dans les années 1950, l'île de Guam, dans le Pacifique, fut le théâtre de l'éclosion d'un nombre anormalement élevé de cas d'une forme particulière de SLA, mais aussi de cas de parkinsonisme et de démences. Ce phénomène fut attribué à une intoxication alimentaire par la ß-N-méthylamino-L-alanine (BMAA), un acide aminé excitateur neurotoxique. La consommation, par les populations locales, de graines de l'arbre cycas, riches en BMAA, et de chauve-souris qui en sont friandes aurait fait le lit de la maladie. Près de la ville de Sète, un phénomène similaire, lié cette fois à la consommation d'huîtres et de moules peuplant l'étang de Thau ainsi que de végétaux issus des terres avoisinantes, a été découvert. En cause, la production de la toxine BMAA par des cyanobactéries marines - des algues bleues. Autre cluster: les soldats américains revenus de la guerre du Golfe. La suspicion porte ici sur des produits toxiques non encore identifiés. En outre, une "épidémie" de SLA toucha les footballeurs du Calcio à partir des années 1970. L'analyse de 30.000 dossiers de joueurs ayant pris part au championnat italien entre 1970 et 2008 dévoile 51 cas de SLA. Cette prévalence hors norme a généré trois hypothèses explicatives: le dopage, les traumatismes occasionnés par les coups encaissés par les joueurs lors de contacts avec des adversaires ou avec le ballon (au niveau de la tête), les désherbants et pesticides utilisés pour entretenir les pelouses. Depuis, il est apparu que d'autres disciplines sportives étaient touchées, en particulier le football américain. En matière de SLA, la plupart des hypothèses reposent sur des arguments épidémiologiques. "Or, association d'événements ne signifie pas pour autant relation de cause à effet", insiste le Pr Garraux. Il existe des cas où des patients souffrant d'une SLA développent une démence fronto-temporale (DFT) et vice versa. La protéine TAR DNA-binding protein 43 (TDP-43), une protéine de liaison à l'ADN qui joue un rôle dans la transcription, le transport, l'épissage et la stabilité des ARN messagers, donne une base moléculaire à ce phénomène. En effet, TDP-43 est un composant majeur des inclusions neuronales intracellulaires dans la SLA sporadique, certaines formes de DFT, la SLA avec DFT et plusieurs formes familiales de SLA (à l'exception de la SLA familiale liée à la protéine SOD1 et à la protéine FUS1). Des preuves de plus en plus nombreuses soutiennent l'hypothèse selon laquelle l'altération du traitement de l'ARN, notamment par TDP-43, et l'agrégation de protéines anormales jouent un rôle majeur dans la pathogenèse de la SLA. Les symptômes initiaux de la SLA diffèrent en fonction de la localisation des neurones affectés. Dans les formes les plus fréquentes, à début "moteur", les anomalies neuropathologiques sont observées dans les motoneurones de la moelle épinière ou du bulbe rachidien et/ou dans des neurones du cortex moteur primaire. Dans les formes à présentation cognitive et comportementale, l'atteinte commence au niveau du cortex fronto-temporal. Au départ, parmi les formes à début "moteur", la forme dite spinale, qui est la plus courante, est caractérisée par une perte de force musculaire au niveau des membres. Dans l'autre forme, dite bulbaire, les muscles de la sphère oropharyngée et linguale sont atteints à la suite d'une dégénérescence des motoneurones de la face et de la gorge. "Selonla forme de SLA, les premiers symptômes de la maladie peuvent inclure, outre une faiblesse musculaire, des fasciculations, des crampes musculaires liées à la dénervation, des troubles de l'élocution, une voix nasonnée, des difficultés à mastiquer ou à avaler ou encore des troubles de la marche", explique Gaëtan Garraux. "Lorsque l'atteinte initiale porte sur les membres supérieurs, on observe souvent une fonte musculaire plus prononcée au niveau de la main, avec des espaces interosseux amoindris - main d'Aran-Duchenne."De surcroît, les formes spinales et bulbaires finissent par se rejoindre, la faiblesse et l'atrophie musculaire se propageant à l'ensemble des muscles volontaires. Lors des stades avancés, l'atteinte des muscles de la respiration entraîne une insuffisance respiratoire qui conduit au décès. Tout au long de la maladie, les patients conservent malgré tout leurs capacités sensitives ainsi que le contrôle des muscles oculaires et des sphincters. Par ailleurs, des symptômes cognitifs et comportementaux d'allure frontale peuvent parfois signer l'entrée dans la maladie ou se manifester plus tard. Il n'y a pas de marqueur diagnostique validé de la SLA. Son diagnostic peut être redouté lorsque l'examen neurologique laisse suspecter une perte progressive de la force musculaire, éventuellement associée à une fonte de certains muscles, ou une raideur des membres. Un électromyogramme est nécessaire pour objectiver une dénervation motrice des muscles à la suite d'une dégénérescence motoneuronale. "Afin de confirmer ce diagnostic, il est indispensable que le neurologue puisse écarter, par le biais d'autres examens complémentaires, toutes les autres causes possibles de souffrance de neurones moteurs telles que les compressions mécaniques, les atteintes inflammatoires des nerfs moteurs ou tout autre processus pouvant endommager les nerfs [ou la moelle épinière]", souligne le site de l'Institut du Cerveau, à Paris. Dans le cas des formes familiales de la maladie, le diagnostic peut être établi de façon irréfutable lorsque le patient est porteur d'une des mutations connues pour être responsables de la pathologie. En l'absence de traitement curatif de la SLA, on ne dispose en Belgique que du riluzole pour espérer ralentir quelque peu l'évolution de l'affection. De nouveaux médicaments poursuivant le même objectif, tels l'edaravone et le phenylbutyrate sodique associé au taurursodiol, sont disponibles aux États-Unis depuis 2022 mais pas chez nous. En avril 2023, le tofersen, une thérapie génique par un oligonucléotide antisens, a été approuvé aux États-Unis chez les patients atteints de SLA associée à des variants pathogènes de la SOD1. "Pour le reste, la prise en charge des symptômes est multidisciplinaire", précise le Pr Garraux, "kinésithérapie et médicaments antispastiques face aux problèmes moteurs, myorelaxants et antalgiques pour gérer les douleurs, orthophonie pour les troubles de la parole et de la déglutition, accompagnement psychologique. Aux stades plus avancés, des outils de communication informatique et la gastrostomie sont aussi à l'ordre du jour. Le moment venu, la ventilation non invasive est utilisée en vue de suppléer pour un temps la fonction respiratoire devenue déficiente."